Discernement des esprits
LE DISCERNEMENT DES ESPRITS
Monseigneur Germain
Nous souhaitons placer ce cours sous le patronage de Monseigneur Jean, notre fondateur, car il possédait le discernement des esprits de manière si aiguë qu'il a pu fonder notre Église, en évitant de tomber dans une multitude de pièges.
Tout d'abord, une histoire relativement simple : il y avait, en Crète, un évêque exorciste. Un jour, on lui a amené un personnage tellement possédé qu'on l'avait enchaîné. L'évêque a demandé à ceux qui lui présentaient cet homme, de jeûner avec lui jusqu'au jour qui lui semblerait propice pour l'exorcisme. Tout le monde a jeûné, comme il le pouvait, pendant une trentaine de jours. Puis, exactement le temps voulu, l'évêque a pratiqué l'exorcisme dans l'église. Il a discerné, dans le concret, le temps, le lieu, le mode, l'heure...
Le discernement des esprits est une expression qui vient de l'apôtre Paul (1 Corinthiens 12:7-11) :
«À chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune. En effet, à l'un est donnée par l'Esprit une parole de sagesse ; à un autre une parole de connaissance selon le même Esprit ; à un autre, la foi par le même Esprit ; à un autre, le don de guérison, par le même Esprit ; à un autre le don d'opérer des miracles ; à un autre, la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre la diversité des langues ; à un autre, l'interprétation des langues. Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, en distribuant à chacun en particulier, comme Il veut».
Pour être poli à votre égard, mais peut-être pas vis-à-vis du sujet, on peut donner une première définition simple : il s'agit de distinguer le vrai du faux esprit. C'est à la fois un art et une science difficiles. Dans la plupart des cas, les esprits s'inscrivent à l'intérieur de l'être humain, non pas sur le sens de la logique, mais sur la hiérarchie des valeurs.
Nous sommes constitués par le Fils de Dieu et par L'Esprit Saint : les deux mains qui ont opéré la Création. Derrière le Logos, il y a toute l'ordonnance du monde et, derrière ce que l'Esprit met, il y a le dynamisme, la vie...
Les esprits se placent surtout sur le sens des valeurs. C'est long et difficile car, comme le dit Matthieu (7:15), on ne peut juger qu'aux fruits : «Gardez-vous des faux prophètes, vous les reconnaîtrez à leurs fruits». C'est pourquoi une génération presqu'entière peut vivre dans le faux sans pouvoir se prononcer. Il faut attendre que cette génération passe et après, peut-être, pourra-t-on discerner de quel esprit elle a vécu.
Ou bien, toute une culture peut aussi tomber dans la difficulté, ou bien même une Église entière peut vivre selon un faux esprit. La difficulté de discernement, qui est un danger, ne doit pas nous détourner du monde spirituel, mais on doit prendre des précautions, ce qui est très différent, et bien voir la nécessité impérative d'acquérir ce don.
Il y a encore deux difficultés supplémentaires :
- il est tentant de s'approcher des esprits, jusqu'à désirer devenir exorciste. Cela vient souvent d'une certaine curiosité.
Le peuple chinois, le peuple le plus curieux du monde, veut tout voir.
- La deuxième difficulté est que c'est très difficile et que l'on ne doit pas se faire d'illusions.
Esprit, en grec se dit pneuma : souffle, force, puissance. Il se peut que, dans certaines attitudes devant ce monde des esprits, on trouve le contenu, bizarre, suspicieux. Il ne faut pas penser ainsi : les esprits sont tous les phénomènes spirituels ou pseudo-spirituels, et cela sans aucune exception : bons, mauvais ou même neutres. Il ne faut surtout pas introduire ici de notion de morale.
Il y a trois catégories d'esprit :
- l'Esprit de Dieu, l'Esprit Saint et tous les dons qu'Il amène ;
- l'esprit de l'homme ou d'un esprit cosmique ;
- les esprits qui sont les princes de ce monde, les démons, les diables que l'on nomme au pluriel, comme dans l'Évangile, quand le Christ chasse les esprits d'un possédé et qu'ils s'en vont dans un troupeau de cochons. Il leur demande : Qui êtes-vous ?» et ils répondent : «légions...».
Le terme discernement.
Il ne faut pas se méprendre : c'est un terme classique qui signifie examiner, vérifier, contrôler. Ce qui est contenu dans ce terme, c'est le véritable esprit critique. Nous critiquons, par exemple, des objets, ou bien, la science critique ses instruments ou ses mesures, elle les vérifie. C'est relativement facile tant qu'il s'agit d'un objet.
Avec le discernement, on critique le sujet : soi-même. Et la difficulté est introduite : la critique de soi-même. Cela consiste à analyser notre jugement. Donc, la précaution à prendre est de n'avoir aucune idée préconçue, aucune prise de position, aucune préférence.
Puis viennent d'autres critères que nous verrons et qui sont relativement peu nombreux. Nous verrons que cette manière de discerner nécessite une précision extrême et une façon aussi précise que n'importe quelle analyse de laboratoire.
Souvenez-vous de la rupture du barrage de Fréjus, il y a quelques années, quelques mois après, il y a eu un tremblement de terre à Agadir et, à cette époque, la France était en guerre avec l'Algérie. Peut-on discerner les esprits dans ce domaine ? Nous vous laissons le soin d'y réfléchir...
Précisons que le discernement a beaucoup d'analogie avec l'esprit critique moderne et avec la méthode scientifique. Pour l'esprit critique contemporain, aucun phénomène, aucune expérience ne doit être, a priori, écartée ou crue sans analyse, sans vérifications scrupuleuses. C'est tout à fait juste.
Pour la vision orthodoxe, le péché originel a un contenu : l'imprudence, la naïveté et surtout, la crédulité. Les Pères de l'Église ont même parlé d'enfantillage.
En face de cette crédulité, le salut vient du discernement, de la lucidité. Sur ce plan, l'esprit critique et le discernement sont tout à fait semblables. Mais il faut comprendre que le discernement va plus loin, parce qu'il introduit ce que l'on pourrait appeler la méta-critique : quelque chose qui va au-delà de la critique. Le discernement nous met en garde contre la crédibilité dans l'infaillibilité de notre raison. Il met aussi en garde contre la crédulité dans nos expériences.
Citons le cas classique, à notre époque, de la réincarnation : on donne comme preuves sa propre expérience, donc..., ce donc est en trop, car il ne faut pas être crédule.
Le discernement rappelle la relativité de notre instrument de connaissance : nous-mêmes ! Il critique la critique ; il critique celui qui recherche : le savant ; il emploie la méthode scientifique et l'applique au savant lui-même et non à ses objets ni à ses recherches.
Pour le discernement, le rationalisme d'Aristote ou de Descartes est un rationalisme naïf, parce qu'il oublie les limites de la raison et les conditionnements existentiels du penseur.
Un autre exemple : au XIXe siècle, à l'époque des apparitions de Lourdes, Bernadette a demandé à la Vierge Marie qui elle était. Sa réponse a été : «Je suis l'Immaculée conception». C'était à l'époque où dans l'Église de Rome a été proclamé le dogme de l'Immaculée Conception. On s'est écrié : «Vous voyez !». Mais ce n'était pas gagné, il y avait les conditionnements existentiels de ceux qui recevaient. Ce n'est pas parce que Marie a prononcé cette phrase que le dogme de l'Immaculée Conception est une réalité concrète.
De même, le positivisme du XIXe siècle est un positivisme crédule, parce qu'il idolâtre l'expérience. Auguste Comte ne s'est peut-être pas trompé parce qu'il était l'héritier de gens très cultivés et très religieux. Mais on peut constater les angoisses de nos contemporains, dues à ce que leurs ancêtres ont rejeté Dieu de la civilisation et de la culture. Attention donc à l'idolâtrie de l'expérience : c'est une catastrophe pour le discernement des choses de la vie.
Que dire aussi de la confiance quasi-aveugle de philosophes comme Hegel, ou même Karl Marx, dans cette dialectique qui consiste à opposer des contraires, afin que naisse quelque chose de neuf. Hegel a opposé la vie individuelle à la vie collective. Il en déduisait une synthèse : l'état prussien. C'était pour lui une déduction quasi-infaillible. C'est une sorte de naïveté et il y a ce désir universel de l'homme à trouver une sorte d'équation qui va tout résoudre.
Un jour, un homme d'une très grande intelligence, Raymond Abelio, est venu nous présenter à l'institut une équation universelle qu'il avait trouvée. Il nous en a fait une démonstration passionnante : il avait établi une proportion entre A et B et, bien entendu, son équation est tombée. Monseigneur Jean, à la fin, lui a dit : «Monsieur, vous êtes un cas !».
N'oublions pas qu'en dehors de Dieu, rien n'est absolu et rien n'est pleinement en soi ; tout est relatif et tout est limité. La beauté de la création, tant dans sa totalité que dans ses parties, même les plus hautes et les plus sublimes, les qualités de l'homme ne sont que le possible, quelque chose à devenir.
Une notion satisfaisante pour notre esprit est que l'homme est plus potentiel que réel. Nous n'utilisons nos capacités que dans une proportion de 2 à 3 %... Ce n'est pas dramatique et, comme a dit Jean Climaque
«Si vous voulez vivre bien, posez que votre état actuel est quasi nul et que votre destin est prodigieux».
Malheureusement, nous faisons trop souvent l'inverse.
Saint Grégoire le Théologien n'hésite pas à définir ainsi la perfection de la théologie : «C'est une connaissance un tout petit peu meilleure de l'ineffable». Le bon théologien est donc celui qui fait un tout petit pas en avant.
Cette attitude patristique peut se résumer par un certain nombre de thèses :
- la lucidité de la Tradition de l'Église met en garde contre le rationalisme et l'idéalisme naïfs qui consistent à faire une confiance aveugle dans la raison humaine, sans voir qu'elle est conditionnée et limitée.
-Thomas d'Aquin, un des pères de la scolastique, n'a pas mis en cause la valeur de la raison. Il a dit qu'elle a des limites, mais - et c'est étrange -, il n'a pas parlé de la purification de la raison.
- avec la notion de l'esprit de discernement, la Tradition introduit et met en œuvre la méta-critique qui soumet à la critique, non les objets mais celui de qui provient la méthode elle-même.
-Descartes a donné une méthode d'investigation, mais il aurait été bien qu'il se critique lui-même.
- l'Orthodoxie, en général, met en garde contre une sorte de positivisme naïf qui prétend, par l'expérience, toucher la vérité universelle.
- l'expérience a une qualité : elle valorise ou vérifie un peu la vraisemblance ; mais elle ne peut aucunement prouver la vérité parce que, si on pouvait expérimenter tout, ou la plénitude, ou la totalité, on pourrait dire : la vérité s'approche. Mais lorsqu'on expérimente quelque chose, on n'en expérimente qu'une toute petite parcelle.
- la Tradition met en garde contre le témoignage des sens qui a toute sa valeur, par exemple dans les sciences expérimentales qui vérifient des hypothèses, des opinions rationnelles. De plus, la raison donne une mesure à l'espérance. Lorsqu'on coordonne les sens et la raison, la vraisemblance augmente, mais elle n'est pas toujours la preuve de la vérité ; elle reste toujours relative.
Prenons encore une autre précaution : si l'on prend les trois vertus : la foi, l'espérance et la charité, elles ne supportent aucune analyse. Par contre, l'esprit de discernement ne supporte aucune synthèse.
Il y a divers courants dans la vie spirituelle. C'est pour cela que nous vous avons conseillé de cultiver une sorte d'attitude sans préférence. Pour que le discernement puisse se faire, il faut avoir ce que les Grecs appellent l'apatheia, l'apathie totale vis-à-vis des choses
Les faux prophètes chatouillent agréablement les oreilles. Il nous semble que c'est Ézéchiel qui a dit : «Si vous leur mettez de l'argent dans les mains, ils prophétisent ce qui vous fait plaisir. Mais si vous leur retirez leur richesse, ils commencent à lancer l'anathème et à annoncer les catastrophes !». Il ne s'agit, dans le domaine du discernement, ni de ce qui plaît, ni de ce qui déplaît.
On peut encore ajouter que les êtres crédules sont sympathiques mais qu'ils se trompent. Les gens sceptiques, pas forcément sympathiques, ne discernent pas. Celui qui a le discernement, mais est incrédule, est un être impur parce que le discernement ne supprime pas la foi. Ce sont toutes des nuances importantes.
Les vertus : foi, espérance et charité sont antinomiques dans le sens qu'elles contiennent des contraires. La foi allie la crédulité au scepticisme. S'il n'y a que la crédulité je crois, on est trompé un jour ou l'autre : c'est la foi du charbonnier. Si, au contraire, il n'y a que le scepticisme, c'est que l'on s'investit soi-même.
Alain, professeur au lycée Henri IV, disait : «Je doute, donc je suis». Il lui manquait l'autre côté. L'évêque Jean disait : «Je suis trop sceptique pour ne pas croire...».
Les textes de l'Écriture Sainte et le don de discernement
Reprenons Paul (1 Corinthiens 12:10) et distinguons entre discerner et connaître. Connaître exige d'être en contact avec ce que l'on souhaite connaître. La connaissance est une communion ; on peut donc s'identifier, être proche de ce que l'on veut connaître. Discerner, c'est rester en dehors, être prudent et non passionnel.
L'apôtre Paul ne veut pas que l'on soit ignorant et il donne le critère qui préside au discernement : confesser que le Christ est Dieu et homme sous l'action du Saint-Esprit.
Notons en passant, si un ange, un Père, un saint et même si le Christ vous apparaît, s'il donne un enseignement, il faut dialoguer, demander comment il croit. Il sera peut-être possible, alors, de répondre, d'entendre des réponses, vous poser des questions. Une ambiance ne prouve rien. Mais si Dieu vient, il faut Lui demander s'Il est Dieu.
Nous devons préciser que le discernement des esprits est un don que tout le monde n'a pas forcément.
L'apôtre Paul, qui est notre maître universel dans ce domaine, apporte une distinction, rarement faite par nos contemporains chrétiens, entre le ministère et le don. La prêtrise n'est pas un don, mais un ministère et, dans l'Église primitive, lorsque l'on cherchait qui pouvait devenir prêtre entre un saint, un charismatique et un "plan-plan", on choisissait le plan-plan ! On pensait alors qu'un homme qui a un don ne s'appartient pas et qu'il est préférable que le prêtre s'appartienne. Sinon il prêche ce qui le tient au lieu de prêcher l'Évangile. Si le prêtre est un saint, ce n'est pas mal non plus !
L'apôtre Paul dit : Il y a diversité d'opérations (ou d'actions), mais un seul Père ; diversité de ministères, mais un seul Fils et diversité de dons, mais un seul Esprit». Autrement dit, les ministères sont dans l'ombre de l'économie ou de l'action du Christ. Ils viennent par une sorte de transmission, même physique et les dons sont dans l'ombre de l'action de l'Esprit Saint et non pas du Christ. C'est de toute première importance !
En étant servante de l'Église ou bedeau, on est dans un ministère, mais si on est anarchiste ou charismatique, on a un don. Alors, il ne faut pas s'imaginer posséder les deux, disons même parfois, ni l'un ni l'autre. Si l'on n'a pas tel don auquel on aspire, il ne faut pas s'imaginer que l'on peut le quêter perpétuellement.
Aujourd'hui, celui qui a le don de guérison - très recherché à travers toutes les générations -, est certain de faire carrière. Par contre, le don d'apostolat est moins sûr... De toute manière, chacun a, au moins un don, et il est bien de le découvrir et de le cultiver. Il y a aussi le don d'être bourgeois ! C'était mal vu en 1968, mais maintenant cela peut se faire.
Par contre, comme Chrétiens, nous devrions posséder le don de discernement, mais cela n'exclut nullement que quelqu'un qui n'est pas Chrétien, un athée ou un membre d'une autre tradition religieuse, n'ait pas de don.
Une autre précision, l'apôtre Paul dit : «Il y a un seul Esprit et beaucoup de dons» parmi lesquels le discernement des esprits. Il ne s'agit pas ici de science, mais d'un don : le discernement des esprits n'est pas un objet de science ; on peut acquérir une science quelconque en faisant des efforts, en étudiant. Mais nous avons, ou n'avons pas le discernement des esprits.
Cela peut paraître un peu étrange mais, si on pousse jusqu'au bout, un peu contradictoirement avec ce qui vient d'être dit, on peut quand même conquérir ce don. Il s'agit de tout à fait autre chose qu'une science, que l'on pourrait appeler un art. Ainsi, nous avons une certaine science du discernement des esprits, mais si nous n'avons pas le don, nous ne pourrons pas aller jusqu'au bout. Il y a ici un clivage délicat, il y a plus ou moins capacité.
Saint Antoine le Grand dit que le don du discernement des esprits est le plus grand de tous. Un moine de notre Église venait parfois dans nos assemblées et disait : «Lorsque j'arrive dans une salle, je sais toujours ce que l'on pense de moi». J'ai vérifié : 99 % des gens ne pensaient pas ! Et le 1 % restant pensait le contraire !
Prenons l'épître de Paul aux Éphésiens (6:12) :
«Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes».
Il introduit la lutte que nous menons dans l'existence, elle est contre des esprits. Il dit ensuite :
«Prenez toutes les armes de Dieu afin de pouvoir résister dans le mauvais jour... Tenez donc ferme ; ayez à vos reins la vérité pour ceinture, revêtez la cuirasse de la justice, mettez pour chaussures à vos pieds le zèle que donne l'Évangile de paix...».
L'apôtre Paul demande de devenir vigilant, de s'armer en face des expériences spirituelles. L'homme a la capacité, le devoir d'acquérir des armes, de ne pas arriver la poitrine découverte, au milieu de quelque chose de subtil ; car notre lutte est contre les esprits du monde dans ténèbres dans les régions célestes.
À partir de là, nous pouvons dire que le discernement des esprits commence lorsque les choses paraissent célestes. En ce qui concerne les choses terrestres et même les choses enfériques, ce n'est pas difficile. Par contre, il y a beaucoup d'errants qui propagent des idées spirituelles, également des gens persécutés par la société, par un milieu quelconque et qui se fondent sur les Écritures Saintes. Ce sont des sentiments nobles et apparemment justifiés et tout à coup, ils réalisent que c'est tout à fait céleste.
Prenons un cas actuel : l'histoire du foulard islamique : ces gens se sentent persécutés par l'école française, ou la société contemporaine. Ils se basent sur le Coran, sont animés de sentiments nobles. Mais nous pouvons discerner que l'esprit qui a amené ce sujet est impossible à déceler et pose d'ailleurs des problèmes insolubles à nos dirigeants !
Lorsqu'il s'agit du monde sous-ciel, les choses commencent bien, mais finissent mal. Lorsqu'il s'agit de Dieu, les choses commencent souvent mal, mais finissent toujours bien.
L'évêque Jean a connu une dame qui faisait de la peinture et avait suivi l'école théosophique. Elle dit à Monseigneur Jean avoir un maître spirituel qu'elle voulait lui présenter. Venu chez elle, elle lui a présenté le portrait qu'elle avait fait de son maître spirituel. L'évêque Jean s'est alors écrié : «Mais c'est le démon !», ce qu'elle n'a jamais admis, bien sûr !
Un moine du IVe siècle a dit : «Je suis en paix, Seigneur, Tu m'oublies». Peu de temps après lui arrive un énorme ennui et il dit : «Enfin, Seigneur, Te voilà !». C'est l'acquisition de la vigilance qui est importante Commence à sentir avec le "nez spirituel" ce qui se passe et apprécier les phénomènes. C'est plus difficile que l'on ne croit, comme le prouve cette autre petite histoire :
Un moine d'un monastère grec, Théophile, mort maintenant, était un paysan sans culture, mais avec un grand discernement des esprits qui en faisait un bon exorciste. Un jour, un paysan lui demande un exorcisme. Il le fait mais se rend compte que cela ne marchait pas. Il a recommencé avec succès et le paysan est parti content. Le soi, au monastère, le démon est venu et lui a dit : «Tu nous as chassés !». Il lui a joué du Bach toute la nuit et on peut dire que ce n'est pas de la musique religieuse ; ceci pour montrer qu'il est difficile d'aborder ce monde étrange. Voilà pour la question de la vigilance.
Une autre citation de l'apôtre Paul, (1 Thessaloniciens 5:16-25) :
«Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses, car c'est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ. N'éteignez pas l'esprit. Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon. Abstenez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de paix vous sanctifie Lui-même tout entier et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. Celui qui vous a appelé est fidèle et c'est lui qui le fera».
Ce qui est intéressant ici, c'est : n'éteignez pas l'esprit, il ne s'agit pas de l'Esprit de Dieu, mais de l'esprit de l'homme. Tout homme a l'esprit créé, qui est un de nos constituants et Paul dit : n'ayez aucune crainte de vous lancer dans les mondes spirituels. Car souvent, à travers une sorte de crainte de la vie dans l'esprit, soit, par exemple, par des émotions fausses ou par une fausse prudence, on éteint l'esprit.
Paul précise : ne dépréciez aucun don. Dans les milieux religieux, ecclésiaux, il arrive fréquemment que quelqu'un ait un don un peu particulier. Il est tout de suite jugé, déprécié par les autres. Attention ! il faut apprendre à discerner même ce qui est étrange, son contenu.
L'attitude juste est de tout examiner, de vérifier tout : soyez croyant mais pas crédule ; doutez mais n'ayez pas de scepticisme ; soyez spirituels mais pas psychiques. Notre esprit doit être enflammé et non pas éteint - ce qu'il est trop souvent -, persécuté par le psychique : à ce moment, il commence à s'éteindre.
Lorsque des phénomènes se produisent, comme dans la vie de chacun, il ne faut ni les rejeter, ni se prononcer prématurément, sauter au cou des événements. Il faut simplement regarder et se poser la question : de quoi s'agit-il ? Dans ce domaine, l'intelligence ne sert absolument à rien.
Saint Séraphim de Sarov disait aux confesseurs : «Lorsque vous entendez quelqu'un confesser le péché, ne dites rien. Si vous dites quelque chose, si vous donnez un conseil, dites la première idée qui vous vient, mais surtout pas la deuxième, parce que celle-ci est votre concoction ; la première vient peut-être de Dieu».
Attention donc à l'intelligence car elle peut mettre "notre sauce" dans le phénomène et celle-ci est terriblement mélangée, compliquée. Il y a beaucoup d'intelligents qui ne sont pas du tout des sages.
Le vrai et le faux
Examinons maintenant le vrai et le faux, car ces deux se mélangent souvent. La difficulté est que le discernement et l'appréciation des phénomènes consistent à examiner et le vrai et le faux, à éprouver, passer à l'épreuve et il y a trois stades à retenir :
1. Attendre ;
2. Goûter et éprouver ;
3. Se prononcer.
Dans tous les phénomènes, il y a toujours à boire et à manger. Tout phénomène peut être de Dieu, du diable ou de notre propre nature, disons neutre. Ce peut être les trois ensemble. C'est un mélange de divin, d'enférique et d'humain.
Nous devons retenir un chapitre de la vie des Pères ascétiques de l'Église. Ils disent qu'il y a, à l'action dans notre monde, trois volontés - ce serait bien d'apprendre cela aux enfants dans les écoles - : la volonté divine, la nôtre, humaine et la volonté satanique. Nous sommes perpétuellement poussés par ces trois points et il convient d'affecter à chacun ce qui lui revient et ce n'est pas une entreprise facile.
Nous pouvons peut-être voir qu'une personne est sur le chemin du discernement, ou simplement de la connaissance de l'homme, lorsqu'elle parle non pas de ce qui est bon ou mauvais, mais du bon, du neutre et du mauvais.
Il ne faut pas repousser les phénomènes en bloc, mais bien regarder, bien examiner. Prenons un exemple : si nous rejetions systématiquement les phénomènes spirituels, ou les phénomènes tout-court, nous devrions supprimer l'art tout entier, la musique, la littérature, car ils sont pénétrés de ces trois couches. Même Platon a chassé les poètes de sa république !
Un autre exemple : l'apparition de la Mère de Dieu, est-elle céleste ? Qu'en sait-on ? En général, on peut être sûr que c'est bien elle. Mais si c'est le Christ qui apparaît, méfiance ! il y a tant de parasites ! Lorsque quelqu'un a une sorte de vision céleste, nous pouvons garantir qu'il y a 2 % de ce qu'est la vision et 98 % de la personne...
Scrutons, vérifions, examinons et discernons ce qui vient de nous, ce qui vient de Dieu et ce qui vient du démon et ensuite, retenons ce qui est bon.
Résumons :
- chacun a son don, ou ses dons ;
- ne rien adopter immédiatement, mais vérifier : la trop grande prudence crée des sociétés sans charisme. L'apôtre Paul dit : L'Église est basée sur les apôtres et sur les prophètes ;
- être conscient, ne pas recevoir les choses avec trop d'empressement, ne pas les repousser non plus trop rapidement, voir avec du temps, se donner du temps ;
- dépister que tous les phénomènes spirituels sont un des aspects de la science spirituelle universelle ;
- les dons sont pour l'homme, mais pas seul : au sein de la communauté. Il existe le corps mystique dans lequel les choses peuvent être vécues ;
- en cas de doute sur le phénomène ou sur la vision, il faut demander à l'esprit que l'on a en face de soi son "passeport" : lui parler d'égal à égal et non comme à quelqu'un d'obéissant à son père spirituel.
Ce sont un peu des conseils hygiéniques et moraux, avant d'aborder un autre texte, celui du critère de saint Jean l'Évangéliste, le plus grand de tous les visionnaires, avec Jean Baptiste le Précurseur, qui ont eu la vision de l'engendrement pré-éternel du Verbe, à la mesure où ils pouvaient le supporter. Cela indique encore que Dieu accepte que l'homme soit le témoin de son intimité.
Souvenons-nous qu'à la fin de sa vie, selon la Tradition, saint Jean répétait sans cesse : «Mes bien-aimés, mes petits-enfants, aimez-vous les uns les autres...» Ses disciples pensaient qu'il radotait ! Mais il avait trouvé l'esprit qui lui convenait, c'était : Aimez-vous les uns les autres. Chacun a un esprit qui lui convient et on le découvre après une longue expérience, après l'entrée dans les âges de l'humanité. N'oublions qu'il y a quatre âges chez tout homme :
- l'enfance : pendant l'enfance, l'enfant "touche" ;
- l'adolescence : l'homme juge alors sévèrement père et mère, veut reconstruire le monde, réaliser, faire une ou des expériences ;
- l'âge mûr : l'âge du discernement des esprits, très délicat ;
- l'âge de l'écartement des esprits, pour prendre celui qui convient et cela porte à devenir, enfin, un homme.
Prenons la première épître de saint Jean l'Évangéliste (4, 1) :
«Bien-aimés, n'ajoutez pas foi à tout esprit ; mais éprouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l'Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu, c'est celui de l'antéchrist dont vous avez appris la venue et qui, maintenant, est déjà dans le monde».
Cette citation est remarquablement intéressante. Dans la même épître (2, 22) :
«Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Voilà l'antéchrist, celui qui nie le Père et le Fils».
Que dit Paul ? Pas de crédulité, ni d'incrédulité. Ne cherchez pas non plus à croire bien ou à croire mal, mais vérifiez ce en quoi vous croyez, car on peut transporter des montagnes, pas du tout parce que Dieu le veut, mais parce que l'on croit dans une idole, une idée, un sentiment, un événement etc., ce qui arrive fréquemment.
Cela signifie que la foi est une force, certainement, mais on peut alimenter des mensonges avec notre foi. Jean souligne ici : Quelle est la puissance de votre foi ? Attention, on peut vivre mille années dans l'erreur.
L'apôtre Paul, dans une autre épître, dit encore :
«Je vais venir vous voir, parce que vous vous disputez ; vous allez tous me raconter et je n'écouterai pas ce que vous dites, mais par contre, je vais vérifier votre puissance».
C'est ce qu'on appelle le critère de saint Jean, le critère du discernement, c'est : dire si Jésus-Christ est ou non Fils de Dieu. Ce critère vaut dans l'absolu, tout en étant pas facile à utiliser ; il est extrême. Celui qui le nie est dans l'axe de l'antéchrist.
On doit discerner, demander à... une pensée, un esprit, une tendance dans le monde, à une école, à des mouvements, à des sentiments..., quelle est sa profession de foi. Cela signifie que la foi est une force, certainement, mais on peut alimenter des mensonges avec notre foi. Saint Jean souligne ici : Quelle est la puissance de votre foi ? Attention, on peut vivre mille années dans l'erreur...
Reprenons l'épître de Jean (4, 2-3) :
«Reconnaissez à ceci l'esprit de Dieu ; tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu, c'est celui de l'antéchrist dont vous avez appris la venue et qui maintenant est déjà dans le monde».
Il y a deux cas, deux chapitres de la sensibilité humaine qui s'opposent au critère de saint Jean :
Tout d'abord, il y a ceux qui ne peuvent pas accepter l'homme en Christ. Dans la destinée définitive de l'humanité, ceux qui ont des pensées, des visions, des idées qui lient le Christ incarné ou l'Incarnation du Verbe, sont de l'antéchrist. Dans le sens relatif, ce sont les mêmes êtres, des envoyés, des esprits qui, comme les hommes, sont en évolution.
Prenons Steiner : on pourrait dire qu'il est de l'antéchrist mais, dans le sens relatif, il n'est ni du diable, ni du Saint-Esprit pur - nous ne sommes pas toujours, tous, soutenus par l'Esprit, mais la connaissance que nous avons de Dieu est très mélangée - et il est un homme mélangé. C'est ici que le critère relativement délicat de saint Jean ne peut être appliqué d'une manière systématique, en bloc.
L'esprit qui, dans le sens relatif est un envoyé du monde des esprits et qui préside, comme dans le cas de Steiner, à cette pensée, vient en général de ce que l'on méprise la chair de manière plus ou moins subtile et que, ce que l'on appelle la chair est, dans cette vision, identifié avec le péché. C'est parce que cet esprit pense que le monde corporel ou charnel retarde l'évolution spirituelle de l'homme et du monde : c'est une sorte d'accusation que la matière commence à s'identifier avec le péché et retarde l'évolution de l'homme. C'est une thèse courante : l'esprit doit être dégagé du monde corporel et charnel.
Ceux qui sont animés par cet esprit, ne remarquent généralement pas que beaucoup de péchés au sein de l'humanité sont de pure nature spirituelle et n'ont rien à voir avec le monde matériel. Si l'on prend le péché originel, il ne s'est pas produit sur le plan corporel, ni psychique, mais sur le plan spirituel et ensuite, il s'est propagé. Par exemple, l'orgueil auquel n'échappent pas ceux qui veulent monter les échelons de la vie en méprisant la chair. Et par ailleurs, saint Grégoire de Nazianze dit : «quand tu penses que ton péché est le plus grand, tu te fais trop d'honneur et c'est mieux de voir où tu en es !». Cela fait partie du discernement des esprits.
Rappelez-vous que dans l'Église primitive on niait l'Incarnation du Verbe, on pensait que le Verbe avait pris un corps d'homme parce qu'il fallait bien qu'Il prenne une apparence pour être accessible aux hommes. Saint Jean l'Évangéliste a lutté contre cette thèse en disant : «Le Verbe S'est fait chair».
Les êtres qui refusent l'Incarnation du Verbe, représentent la plus grande partie des spiritualistes de notre époque ; ils perdent aussi le discernement dans l'essentiel : l'esprit critique au sens le plus élevé car, chez eux, l'émotion intuitive est supérieure à la pensée.
Vladimir Lossky, parlant des gnostiques, disait qu'ils cultivent une sorte de sensualité spirituelle et émotive qui leur cache l'essentiel.
Steiner voulait innocenter les petits enfants et supprimer la critique chez eux pour laisser fonctionner l'intuition pure. Il était un inspiré, c'est certain, mais tout à coup on voit percer une perte de la ligne de vérité qui vient par une sorte d'émotion spirituelle trop forte. Lorsqu'on se laisse éblouir par ce type de pensées ou d'esprit, même si on est préparé à les recevoir, on s'en va vers une piété sentimentale.
Il y a des enchaînements aussi bien dans la vie spirituelle, la vie psychique ou physique. Un tel type est donné dans la prière de saint Éphrem le Syrien :
«L'esprit d'oisiveté, de découragement, de domination, de parole facile, éloigne de moi...».
C'est un enchaînement : l'homme oisif n'a pas de prise sur les choses de la vie, se décourage et un jour, il va se raidir, avoir alors l'esprit de domination, puis lâcher prise et... écrire ses mémoires, par exemple : paroles faciles.
Si nous cultivons avant tout et seulement une sorte d'intuition spirituelle, apparaîtra le scepticisme ; derrière lui viendra la morale et, en fin de parcours la piété et on arrivera à bon port, ébloui par le monde angélique !
De plus, lorsqu'on s'approche de l'Incarnation du Verbe, on s'aperçoit souvent qu'elle est très difficilement acceptable pour le démon qui n'accepte pas que le Verbe se fasse chair car il est de nature spirituelle et il est choqué par Dieu qui se donne. Les Pères de l'Église ont donné la thèse que le démon ne supporte pas que Dieu se salisse à sculpter l'homme. Si on se substitue à la mentalité démoniaque et que l'on regarde Dieu sculpter à partir de la poussière de la terre cet être qui est l'homme, ce n'est pas que l'homme soit sublime qui choque le monde diabolique, c'est que Dieu s'abaisse et le plus grand abaissement divin, c'est l'Incarnation du Verbe. Le monde démoniaque est jaloux de ne pas pouvoir être incarné parce qu'aimant Dieu et étant tendu vers Lui, il est jaloux de l'homme.
Dieu a donné la chair à l'homme et Satan est jaloux de la chair comme disait Feodorov, le philosophe russe de la fin du XIXe siècle : de quoi Satan est-il jaloux ? D'une grosse paysanne russe, jeune, rose et bien en chair ! L'idée de la chair est insupportable à Satan, il la jalouse et travaille au sein de l'humanité, au mépris de la chair, pour la souiller. Il crée alors dans l'esprit des hommes, autant qu'il le peut, une sorte d'aristocratisme méprisant vis-à-vis du Christ fait chair.
Sondez les doctrines humaines, les pensées philosophiques et vous verrez cet aristocratisme : Satan déteste la chair comme élément pur, posé par Dieu et apte à la déification.
Au début de l'Église, vers le IIe siècle ont été édictées les 85 règles canoniques, fonds commun de la constitution de l'Église, appelées Règles apostoliques. La 5e règle dit : «les évêques et les prêtres ne se séparent pas de leur femme sous prétexte de piété». Cela montre que les évêques comme les prêtres pouvaient être mariés. Puis il est entré subtilement dans l'Église antique une sorte de mépris de la chair et du mariage. Au IVe siècle, un moine est sorti du désert et il est venu défendre le mariage au Concile de Nicée.
Lorsque Satan voit l'homme mépriser la chair, il n'insiste pas, il laisse faire, très heureux. Par contre, lorsqu'il voit l'homme s'élever, corps, âme et esprit, il ne le supporte pas. Mais si l'homme s'élève spirituellement, en délaissant le manteau de la chair, Satan est très content.
Il est difficile de s'expliquer avec ceux qui nient, ou plutôt refusent l'incarnation, ou avec les pensées qui la refusent. Si nous nous approchons de Dieu, de la vision divine, du Logos pré-éternel - et chacun y est apte -, et si on Lui refuse le droit de s'inscrire dans la chair humaine, on ne peut plus parler, c'est quelques chose de véritablement démoniaque.
Une histoire illustre bien ce que nous venons de dire : saint Macaire d'Égypte cultivait l'impassibilité et en particulier l'impassibilité physique, c'était son ascèse. Il menait un certain travail pour que son corps puisse accéder au Royaume des cieux. Cela agaçait le demain et un matin, en sortant pour aller au désert, saint Macaire voit deux géants, les pieds dans la terre et la tête dans les cieux qui, attelés à deux énormes cordes, faisaient des efforts incroyables pour essayer de déraciner deux petits brins d'herbe qui avaient poussé durant la nuit. IL sourit, la vision disparaît et le démon est apparu en disant : Je t'ai eu !
Il y a aussi des êtres qui ne peuvent accepter Dieu dans le Christ. Dans l'Évangile, Jésus demande aux apôtres : «Que pense-t-on de Moi ?» La réponse est : «Les uns disent que Tu es le Messie, d'autres que Tu es prophète, d'autres disent que Tu es «lie». Puis il pose la question à Pierre qui répond : «Tu es le Christ, Fils du Dieu vivant». Il a proclamé l'Incarnation du Verbe et le Christ a construit l'Église là-dessus. Immédiatement après, Jésus dit à Pierre qu'Il va s'en aller vers la Croix, vers la mort... et Pierre refuse cette idée. Ce faisant, il a nié ce qu'il venait de dire, il était charnel et Lui refusait de droit de mourir. C'est à ce moment que Jésus lui dit : «Arrière, Satan». Quel discernement !
La foule juive qui accompagnait Jésus, voyait en lui le Messie, un prophète mais pas Dieu. Cette attitude n'a rien à voir avec le diabolisme, mais est due à la lenteur de l'humanité. Ce sont des esprits un peu sous-ciel et c'est ce que nous sommes pour la plupart d'entre nous : nous dépistons mal Dieu dans le Christ.
Il faut agir différemment devant ces êtres que devant les précédents, agir comme avec des frères et non des subordonnés et tâcher d'expliquer un peu et parler de l'Incarnation du Verbe mais sur différents registres en prenant saint Jean par exemple. C'est le cas le plus fréquent, les autres sont beaucoup moins fréquents mais plus puissants à certains égards. Répétons-le : le Critère de Jean l'Évangéliste, dans l'absolu est de l'ante-Christ mais dans le monde relatif, c'est simplement parce que nous sommes des êtres mélangés qui cultivons une sorte d'émotion intuitive à la place de la pensée.
Un autre critère de discernement des esprits
Il arrive qu'une pensée forte, un esprit, une école, un homme, un milieu confesse que le Verbe s'est fait chair, va même jusqu'à confesser tous les dogmes du christianisme et l'on s'aperçoit tout à coup que les résultats ne sont pas bons. Cela arrive...
Que faire pour dépister les esprits qui se trouvent derrière et voir si c'est juste ou non. Les Pères de l'Église donnent un critère : cultiver l'amour des ennemis, qui est la présence de l'Esprit de Dieu. Nous constatons les mauvais résultats chez nous ou chez les autres lorsque les personnes en question rentrent dans deux catégories de comportement : ou le pessimisme absolu ou l'optimisme absolu, les deux choses étant inexactes. Si nous en sommes là, nous devons entrer en nous-même et regarder si oui ou non nous aimons nos ennemis.
Le staretz Silouane du mont Athos dit que pour discerner les esprits, à propos de l'amour des ennemis «si quelqu'un ou un esprit enseigne l'amour réciproque entre les hommes, c'est un esprit du cosmos. S'il enseigne l'amour des ennemis, c'est Dieu Lui-même». Si ce n'est pas Dieu Lui-même c'est au moins un esprit qui est rempli de l'Esprit-Saint de Dieu.
Tous les maîtres, les vrais et les faux, commencent souvent par enseigner l'amour. On chasse les faux esprit et les faux maîtres par la prière de purification, mais on ne les chasse pas toujours parce qu'une erreur peut durer toute la vie d'un homme et même traverser des siècles. Si un enseignement amène, non pas à l'amour, mais à l'amour des ennemis, on est alors en face d'un esprit ami de Dieu et ennemi du monde démoniaque. C'est une évidence, mais encore faut-il la pénétrer...
Mais qui sont les ennemis ? Il y en a de plusieurs catégories. Il y a d'abord ceux à qui on ne pense pas souvent : ce sont les ennemis idéologiques ; Mgr Jean disait qu'il n'était pas jaloux, mais un jour il a été jaloux de l'organisation de l'Église de Rome ! Les ennemis idéologiques sont ceux devant lesquels on se dit : je suis un homme d'esprit, mais lui c'est un homme charnel ; c'est quelque chose de pesant qui agace spirituellement. Dans ce cas il faut, au départ, discerner leur message.
On peut citer le cas de la Franc-Maçonnerie. Il y a deux chemins vers la sagesse : «la sagesse dansait devant la face de Dieu aux origines», c'est l'accomplissement du plan divin aux hommes, à l'humanité, c'est "la liberté glorieuse des enfants de Dieu". Mais il y a deux types de chemin de la sagesse :
- le premier, est celui que l'on peut appeler de proposition. C'est Dieu qui dit : «si tu veux, je te la confère». Salomon a été un sage qui a reçu la sagesse après l'avoir demandée.
Il y a un autre type de sagesse qui vient à l'homme lorsqu'il travaille ; il s'empare des matériaux du monde, à commencer par lui-même, ainsi que de toutes les cultures et civilisations, et il entre dans une sorte de sagesse de conquête. L'initiation, la tradition maçonnique sont celles de la sagesse de conquête, ce sont des constructeurs de temples ou autres, mais ils ont vu venir la sagesse de proposition d'ailleurs et ils l'ont mélangée à la leur : c'est là où l'équivoque historique se continue ; dans une certaine mesure, ils ont annexé la sagesse de proposition alors que ce n'est pas dans leur lignée.
Les ennemis idéologiques, c'est quelque chose qui fait qu'un clivage se creuse à l'intérieur et qui révèle qu'on apporte une distinction entre le spirituel et le charnel et, généralement, on accuse le voisin d'être charnel.
- le deuxième type : les ennemis de la vérité. Sans définir ici la vérité, on voit souvent dans le comportement des êtres humains que l'on a un mal considérable à ne pas détester les êtres mauvais. On doit haïr le mal et non ceux qui font le mal. Malheureusement, on fait trop souvent les deux.
Il existe dans la vie de beaucoup l'amour de la vérité, de la pureté de la doctrine, qui rend très impur, car elle engendre la haines des impuretés et des fanatismes. Atten-tion : les ennemis de la vérité sont difficiles à aimer car ils peuvent engendrer des réactions de fanatisme excessivement violentes.
Nous pouvons entrer ici dans des multitudes de formes : par exemple, il y a des êtres qui ont beaucoup de messages spirituels et qui, de ce fait, se sentent fortifiés et cela leur confère une sorte d'élitisme. Celui-ci amène souvent à une sorte de haine de ceux qui n'ont pas des visions qui peuvent les fortifier. Pour aimer ou apprendre à aimer les ennemis de la vérité, il faut cultiver dans son âme une attitude comme celle de l'apôtre Paul qui dit : «Je ne suis qu'un avorton, je suis le dernier des derniers». Il disait cela pour aimer ceux qui haïssaient son enseignement.
Les ennemis psychologiques
Ce sont ceux qui vous empêchent de faire votre chemin spirituel, ou la carrière, comme un moine à côté d'un autre moine !
Il existe une histoire charmante : quelqu'un va trouver un moine et lui dit : Mon père, la vie monastique, c'est bien ? - Oui, répond-il, puisque j'y suis. - Qu'est-ce qui est difficile chez vous ? - Je vais te dire : tous les après-midi, je vais dans la bibliothèque pour lire et le moine à côté fait gratter sa plume sur le papier pendant des heures. Je ne le supporte pas, je le déteste ! Dans un couple, ce peut être l'époux de sa femme ou la femme de son époux, non ? Comme la femme d'un prêtre qui n'a pas envie de prier... et il ne prie pas non plus !
Un vrai saint ne s'agace pas et si on progresse dans l'amour des ennemis, on va commencer à aimer... le moine, la femme qui ne prie pas avec moi, etc.
Les faux maîtres, conscients ou non, sont toujours des loups dans des peaux de brebis. Au commencement tout est beau et, peu à peu, cela se dégrade. Les faux maîtres prêchent l'amour réciproque, mais pas l'amour des ennemis. Nous pouvons les repérer à ce qu'ils disent, car on peut prêcher l'amour harmonieux, mais cela n'aiguille jamais vers le discernement des esprits. Le seul amour qui puisse le faire est l'amour des ennemis. Les autres ne sont pas faux mais, comme disait Silouane, ils sont trop rapides.
L'amour des ennemis
Nous avons vu que l'amour harmonieux n'aiguille pas vers le discernement des esprits, car il ne donne pas une vérification exacte de ce qui est derrière sa proclamation, car proclamer l'amour harmonieux est trop rapide et trop général. Tandis que l'amour des ennemis met véritablement en place l'esprit qui le proclame. Pour vous convaincre, lisons saint Matthieu, dans le Sermon sur la montagne (5, 44-46) :
«Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent ; faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?»
Comme nous l'avons vu, l'amour des ennemis amène la présence divine, car cela est conforme au mode divin. On trouve également chez saint Luc (6, 27-35) :
«Je vous dis à vous qui m'écoutez : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. Si quelqu'un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre, si quelqu'un prend ton manteau, ne l'empêche pas de prendre encore la tunique, donne à quiconque te demande et ne réclame pas ton bien à celui qui s'en empare. Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ?».
Ajoutons un conseil pour affermir en nous l'amour des ennemis qui n'est pas spontané. Je ne connais personne qui ait cela sans conquête : il faut trois éléments, ou vertus dans le sens d'énergie :
- la patience : il faut s'y mettre,
- l'humilité : faire la place, s'ouvrir pour que Dieu puisse venir,
- vérifier de temps en temps si c'est là.
Si un chrétien ne s'engage pas un peu sur cette voie, ce n'est pas un chrétien juste, c'est un homme injuste, car la justesse divine est justement là.
Monseigneur Germain