Initiation à la Théologie

Cours de l’archevêque Germain de Saint-Denis


Archevêque Germain de Saint-Denis


Initiation à la Théologie (extrait)



La base et le but de ce cours doivent apporter une certaine clarté théologique dans l'approche des mystè­res : cela consiste à s'éclairer autant qu'il est possible, à la lumière divine. La base de ce cours est dogmatique, et le but tout à fait immédiat, est l'étude des mots-clés de la théologie.


Pourquoi cette étude des mots-clés? D'abord, parce que le destin des mots est étrange. Prenons, par exemple, le terme « catholique-romain » ; catholique vient du grec « kata olon » et ne signifie pas seulement « universel » , mais aussi qu'une part de quelque chose a autant de valeur que la totalité ; la catholicité est un reflet de la Trinité. Ainsi, saint Cyprien de Carthage, en difficulté avec Rome, pouvait dire en vertu de ce principe de catholi­cité : « Nous estimons que l'Ésprit-Saint souffle aussi bien ici, à Carthage, qu'à Rome ! » La catholicité, en effet, exprime que la plénitude peut résider en chaque lieu. Aussi, la plénitude, c'est l'héritage romain, et inévitablement on en arrive à repousser de côté les autres héritages, qui seront moins catholiques... Ce mot nous crée aussi des difficultés : beaucoup voudraient le voir supprimer de notre dénomination « Église catholique orthodoxe de France », parce que... nous sommes Orthodoxes ! Quant aux Orthodoxes, ils nous conseillent de nous dire : «Orthodoxes-Catholiques »...


Vous voyez par là toute la difficulté qui peut exister autour des mots. Ce qui est plus grave, c'est qu'une faute terminologique, engendre une fausse vision.


Prenons un exemple bien connu : saint Jean, dans son Prologue sublime, appelle le Fils de Dieu, le LOGOS ; or ce terme, que Jean n'a pas choisi au hasard, est d'une richesse extraordinaire. Lorsqu'un grec le prononce, il n 'y voit pas seulement le sens de « parole », de ce qui est dit, mais aussi le sens de « vision » : le terme de LOGOS atteint et l'ouïe et la vue, et même encore plus que cela ! Aussi, si nous réduisons le LOGOS à la logique intellectuelle, ou rationnelle, on commence à rabaisser le Fils de Dieu au rang d'un concept, et ceci se produit très rapidement.


Rappelez-vous que le verbe a une carrière très difficile dans l'humanité : les mots ont presque tous une carrière trouble. (Il serait amusant de dépister la carrière des termes à travers l'histoire : il en est un, par exemple, le mot CANON, que l'on pense être antérieur à la séparation de l'époque de Babel et qui serait, de ce fait, une terminologie universelle !...)


En outre, à côté de cette difficulté des mots, il y a une crise de la théologie moderne : la théologie est devenue une spécialité, une affaire de spécialistes. La raison de cet état des choses, c'est que le « consensum ecclesiae » ne préside plus à la théologie, et ce que nous pouvons appeler : « Amour de Dieu » ? (car le « bon théologien » , c'est quand même Dieu) est remplacé par le spéculateur spécialisé.


Posons le terme de DOGME. Faisons une pétition de principe : seul le dogme orthodoxe peut sauver le monde. Pourquoi ? Parce que ce dogme donne la lumière pour voir le monde ; et cette lumière est celle de l'ANTINOMIE.


Quelques exemples de cette ANTINOMIE : il y a, dit-on, dans les Noms divins, une théologie positive et une théologie négative, une théologie qui ouvre et une qui ferme, une cataphatique et une apophatique. Ainsi, si vous dites que Dieu est puissant, vous pourrez aussi bien dire qu'Il est au-delà de la Puissance, telle est l'ANTINOMIE. C'est une approche, une méthode qui s'applique à tous les dogmes chrétiens ; pas un seul qui ne soit antinomique. La Divine Trinité « Un et Trois » : c'est une antinomie, ces deux termes étant irréductibles l'un à l'autre. L'Incarnation du Verbe : antinomie, ici c'est Dieu et homme, il ne faut pas réduire Dieu à l'humanité ni l'humanité à Dieu. Dans le dogme de la Vierge Marie, l'antinomie c'est Vierge et Mère, etc.


Le dogme peut, de cette manière, permettre de transformer le monde sans le déformer, Prenons le dogme trinitaire : l'homme qui aura le courage d'installer le dogme trinitaire en lui, dans sa prière, dans sa vie, va voir que ce que l'on appelle « le péché de l'homme » a divisé la nature humaine et l'a émiettée en familles, tribus, races, religions... La nature humaine qui était une à l'origine est partie en miettes... Simultanément, la personne humaine s'est dégradée. Vous pensez que vous êtes une grande personnalité parce que, par exemple, vous êtes évêque ? Eh bien non ! Être évêque, c'est exercer un certain ministère au sein de la société, mais ce n'est pas pour autant être une grande personnalité : l'assimilation de l'homme à ses fonctions est une dégradation de la personnalité. L'homme qui fixe le regard sur la Divine Trinité, apprend à ne pas séparer les éléments de la nature les uns des autres, et à ne pas non plus confondre les personnes.


Saint Grégoire de Nazianze se heurtait à deux hérésies : l'arianisme et le sabellianisme. Ceux-ci confondaient les Personnes divines, ceux-là séparaient les natures, niant l'Incarnation. Saint Grégoire disait qu'il est aussi grave de confondre les Personnes (ce qui est le type même de l'hérésie judaïque) que de séparer les Natures (ce qui est le type même de l'hérésie hellénique).


Installer la théologie du dogme trinitaire peut ramener lentement l'homme à la claire vision trinitaire : que la Personne est unique. « Que manque-t-il au Père pour qu'Il soit le Fils », disait le même saint Grégoire : « rien ! » Et pourtant le Père n'est pas le Fils. De même, en profondeur, rien ne manque à Mr X pour être Mr Y, et pourtant Mr X n'est pas Mr Y.


Ceci est une certaine contemplation à partir du dogme, mais il y a une difficulté d'ordre psychologique : c'est que l'homme moderne n'a rien à faire avec le dogme. Qu'a à voir avec le Christ l'homme contemporain qui roule en voiture, regarde la télé, et qui se ménage de temps en temps quelques crises psychologiques pour aller chez le psychiatre ? Où placer le Christ là-dedans ? Qu' est-ce que le dogme vient faire ici ? En plus, le chrétien n'a pas la conscience spontanée de l'Évangile, son cœur n'agit pas chrétiennement de manière immédiate : on tâtonne, certains prêchent, mais on n'est pas encore chrétien. Père Sophronius disait de cette chaire : « Peut-­être commençons-nous à être 1 % chrétiens !... Mais le reste, en scrutant bien, on le voit formé d'éléments très variés, stoïcisme et autres... »


Si vous vous promenez dans un magasin genre « Procure » , vous verrez que la science théologique y est presque inexistante. C'est là, à notre avis, le péché de l'Église : on a perdu le sens et le goût de l'étude de la théologie, qui est illimitée comme vous le savez, et ceci au profit de l'étude des sciences limitées et qui est beaucoup moins urgente. En quelque manière, on a « perdu son temps » à étudier ce que Dieu a créé et on n'a pas approché Dieu Lui-même.


Saint Irénée dit cette chose remarquable :

« Toutes les natures qui commencent sont susceptibles de disparaître. On a donc étudié ce qui est fugace et on a oublié Celui qui ne disparaît pas, Dieu, sans commencement ni fin. On a aussi oublié ce qu'a dit le Christ : Voici que Je vous envoie dans le monde, mais vous n'êtes pas de ce monde ».


Bien sûr, je ne m'oppose pas à ce que l'on étudie ce que Dieu a créé, mais si nous regardons avec intensité les éléments du monde, au regard de cet effort, l'effort de la science théologique est minime. Voyez les programmes universitaires, vous avez des catalogues entiers de rubriques portant sur des petits chapitres très réduits dans le domaine de la science et des professeurs parlant des années sur ces types de sujets. Mais le catalogue présenté par les théologiens est dans une disparité totale de proportions avec le catalogue scientifique !

Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que le chrétien est souvent lâche devant le monde. On veut, par exemple, mettre à tout prix un « pont » entre la science et la théologie. La science est un sujet qui préoccu­pe : un des pères de la bombe atomique se rend actuellement à Rome pour en entretenir le pape et les cardinaux ; bref, on veut arranger l'évidence. Mais attention, on ne s'arrange pas avec la vérité et c'est le monde qui doit aller vers la vérité.


Il existe une grande valeur dans le modernisme scientifique actuel : la relativité, ou,  transposée dans le domaine psychologique, le relativisme. C'est très intéressant, mais cette relativité est mise à nu par l'apparition de l'immuable, qui empêche le défaut qui peut naître du relativisme. Ce défaut consiste à relativiser l'Absolu et à absolutiser le relatif, c'est une des grandes difficultés introduites par ce relativisme moderne.


En résumé, mettons-nous courageusement à travailler les termes, ce qui nous permettra, peut-être, de quêter un peu la vérité. Abordons le premier terme :


THÉOLOGIE


Posons une définition immédiate : la théologie est la science de Dieu ; mais est- ce bien vrai ? Examinons cette notion.

Pour le Larousse, la théologie est la « science de la religion » (très XIXe s. !) De nos jours, on pense souvent que la théologie est la science qui étudie, expose, enseigne tout ; par exemple, sous le chapeau de théologie, on étudie des choses aussi diverses que le péché, les hérésies ou l'angéologie, toutes choses intéressantes, mais qui ne sont certainement pas Dieu. Posons maintenant une « triade » (qui nous permet d'élucider souvent les mystères de manière relativement simple) : l'Église, l'HOMME et le COSMOS. Vous savez que l'Église est un Temple, que 1'homme est un Temple et que le Cosmos est aussi un Temple. Ce sont les trois Temples que l'on retrouve dans la vision d'Ezéchiel. Prenons la mentalité moyenne : que Dieu soit dans l'Église, c'est acceptable, mais si nous prenons l'anatomie de l'homme, est-ce ou non théologique ? L'un pensera que non, l'autre que oui...


Un conservateur des monuments historiques visitait, dans la région du Puy, une bourgade à la « don Camillo » avec un prêtre énergique et un maire communiste. A son avis, une statue du Sacré-Cœur ne convenait pas au style de la belle petite Église romane dans laquelle elle se trouvait ; mais pour prendre la décision de l'enlever, il fallait l'avis du maire qui déclara au prêtre et au conservateur : « Ah non ! Le Bon Dieu ne sortira pas de l'Église ! ». L'année suivante, il trouva la statue, pillée par les soins du curé, dans le ruisseau derrière l'Église. Mais la réaction du maire coinçait en quelque sorte le Bon Dieu dans l'Église...


Mais pourquoi est-ce que la sociologie ne serait-elle pas aussi théologique? Faut-il réserver l'Église pour Dieu et refuser à l'homme une théologie dans sa propre constitution.


De plus, vous savez que Dieu vit dans le Cosmos, et vous pouvez aussi projeter votre regard dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit : l'atome est aussi de Dieu, par Dieu, en Dieu ; comme dit l'apôtre Paul : « Tout est de Lui, par Lui, en Lui ». Aussi, même si nous enseignons mal ce genre de choses, l'atome est de Lui, par Lui, en Lui.


A notre avis, l'équivoque majeure consiste à prononcer le terme d' « École de théologie » (telle la nôtre) : on comprend usuellement, immédiatement « sectarisme », qui étudierait arbitrairement un ou deux sujets hors du contexte du monde et hors de la création. Notre notion de la théologie est fausse, on ne voit pas pourquoi ik faudrait faire un choix d'éléments à isoler : la zoologie ou la composition de la matière sont aussi théologique que l'angéologie, ou la constitution du corps humain, ou la liturgie céleste du monde invisible... Notre notion immédiate de la théologie n'a aucun sens, elle est menteuse lorsqu'on dit, par exemple, que c'est la science de la religion ou de ce qui met plus ou moins en rapport avec Dieu.


Répétons la question : la théologie est-elle la science de Dieu et de Dieu uniquement ? Ce serait absurde de dire cela : le propre de la science consiste à classifier, définir, exprimer le comment ; or Dieu est indéfinissable et ne Se prête à aucune méthode d'investigation scientifique. Nous sommes alors bien obligés de cheminer et de dire qu'en premier lieu, l'unique attitude devant Dieu est le silence, à l'instar de l'apôtre Paul, c’est-à-dire la stupeur de la pensée, de l'imagination, du sentiment, de la volonté... plus exactement de l'être tout entier, le silence étant ici, comme dit saint Ignace d'Antioche : « le langage céleste est divin ». C'est le premier piédestal d'approche de la théologie : se poser nous-mêmes dans cette attitude devant le silence. L'évangéliste Jean dit qu'on ne peut pas écrire tout ce que le Christ a dit, car le monde entier ne pourrait pas le contenir : le silence évangélique est donc plus grand que l'expression évangélique !


En second lieu, posons la définition suivante : l'ignorance supérieure est supérieure à la connaissance inférieure. Ce n'est pas un jeu de mots ! Saint Denys l'Aréopagite parle de l'abîme d'ignorance ou de la ténèbre d'inconnaissance où 1'homme monte pour recevoir les révélations célestes, divines. Il parle de cet abîme qui délaisse la connaissance moyenne ou médiocre, ou inférieure, et de ces ténèbres où entre 1'homme en découvrant son inconnaissance, son ignorance ; mais inconnaissance et ignorance qui sont plus lumineuses que le soleil. Ceci nous fait parvenir à ce qu'on pourrait appeler la « 3ème connaissance » où l'on est connu par Dieu (il importe peu de savoir quelles sont les deux premières), c'est cela qui est intéressant : pas connaître, mais être connu. A côté de cette ignorance supérieure, du type de celle d'instituteurs qui savent tout ou presque tout, alors que les savants authentiques ne savent presque rien, et cette ignorance inférieure a le caractère d'être agressive ; mais l'ignorance supérieure arrête le bavardage sur les choses.


Un conseil : lorsque vous approchez de Dieu, lorsque vous prétendez devenir un peu théologiens, supprimez toutes vos idées sur Dieu, sans exception, c’est-à-dire supprimez le bavardage sur Dieu.


Tout ceci ne peut pas former une discipline scientifique : Dieu est indéfinissable ; mais d'autre part, Dieu n'est pas seulement indéfinissable, Il a voulu Se manifester, Se révéler, S'épiphaniser, c’est-à-dire Se donner à voir à travers la Création, telle l'adoration des Mages. Certainement Dieu Se limite dans Ses révélations mais Il est présent. Les véritables théologiens sont ceux à qui Dieu Se manifeste et Se révèle, disons simplement : ce sont les témoins des Théophanies. L'un des plus sublimes de ces témoins est Élie. Élie entre dans une crise tragique, intérieure et monte sur la montagne, toujours animé de son zèle pour Dieu et il s'enferme en lui-même, quêtant la Présence de Dieu. Arrive alors un vent violent, mais Dieu n'est pas dans le vent ; vient ensuite un tremblement de terre, mais Dieu n'y est pas non plus. (Voyez : nous avons souvent des idées sur Dieu : Il est Puissant, Il est Bon, Il est « l'être » comme disent les scolastiques ; ces idées sont des tremblements de terre, des vents violents, mais Dieu n'est pas dedans). Tout d'un coup arrive le murmure doux et sub­til : Dieu y était, c'était une Théophanie. Dieu avait préparé l'esprit d'Élie, lui disant ainsi : Laisse ton zèle, le zèle n'est pas de Moi ; Il avait purifié son esprit.

Saint Denys dit : les théologiens sont des hommes tels que Moïse, qui a vu Dieu de dos ; les prophètes Élie, Ezéchiel..., les apôtres (saint Jean qui a dit : « Nous L'avons touché, nous L'avons vu ! » ), et les saints, tous des témoins, car on ne peut rien dire de quelque chose qu'on n'a pas vu.


Ceci pose immédiatement une autre question : Qui est-ce qui connaît Dieu ? Mais, ce n'est ni vous, ni moi : c'est Dieu Lui-même qui connaît Dieu. C'est pourquoi c'est Dieu qui peut parler de Lui-même, et ainsi il y a un théologien : c'est Dieu ! Prenons un exemple précis lorsque Moïse Lui demande : « Mais qui dirai-je qui m'envoie ? » Il répond : « Je suis celui qui est ». Sur ce sujet, voyez combien la théologie est chose précise et délicate, les scolastiques du Moyen-Age ont fait une faute considérable, ils ont reçu cette phrase : « Je suis celui qui suis », et ils ont assimilé Dieu à l'Être, sans voir que Dieu a dit cela à Moïse, mais Il n'a pas pour autant dit ce qu'Il est ; Il a dit qu'Il est, mais pas comment Il est. Les scolastiques n'ont pas non plus remarqué que dans cette réponse « JE » précède l' « ÊTRE » , e que nous pouvons transposer ainsi : Oui, Dieu est, Il l'a dit Lui-même, mais Il est librement ; Il veut bien être. C'est là une des clés de la théologie : la Personne précède l'Être ; Dieu n'est pas obligé d'être Dieu, Il est Dieu librement. A partir du moment où les scolastiques ont mis l'accent sur l'être, ils ont coincé Dieu dans l'Être, ils ont voulu que ce nom d'Être soit un des plus sublimes de Dieu (ce qui d'ailleurs n'est pas faux), ou l'assimiler à Lui, et ils ont (d'une certaine manière) obligé Dieu à Être. Alors, ont commencé à apparaître toutes les preuves ontologiques et surtout, on a commencé à établir la relation entre toutes les notions, mais sans poser la question de la vérité des notions...


Donc, nous savons que par la révélation mosaïque, Dieu est et qu'Il est la vérité, mais nous ne savons pas en quoi est la vérité, Il a seulement révélé l'Être. Remarquons en passant que l'Être est révélé à Moïse de telle façon que la Loi puisse être appuyée sur l'Être, de la même manière que l'Amour est appuyé sur le Verbe, le Logos. Nous pourrions faire une icône intéressante de la Loi et de l'Être, et trouver d'autres associations du même genre.


Tout ceci pose le problème des Noms divins sur lequel nous reviendrons : Dieu révèle des Noms de Dieu, et Se révèle dans les Noms ; mais on doit bien comprendre qu'un Nom, c'est une forme d'esclave car un Nom est limitatif. Dès qu'un Nom est prononcé, Dieu qui le prononce, S'humilie dans Son Nom, car si le Nom donne un aspect, un piédestal d'approche, il ne peut à lui seul cerner le Mystère. Souvenez-vous bien que dans les Noms, Dieu S'abaisse, Se limite, et qu'il y a toute une série de révélations des Noms divins à travers l'histoire qui est très intéressante à suivre.


Notons ici deux choses :


La première, c'est qu'un mystère ne peut pas entrer dans un seul Nom, ou un seul mot. On peut employer beaucoup de termes lorsqu'on commence à cerner un Mystère. Prenons le mot « péché » : en utilisant ce seul mot vous serez un peu infirmes pour voir un petit peu de quoi il s'agit ; toute une panoplie de termes est nécessaire : faute, iniquité... Il y a sept termes en grec, autant en hébreux. Il ne faut pas craindre d'assaillir un mystère par la multitude de noms.


La seconde, c'est qu'il ne faut jamais définir un dogme inutilement (nous étudierons plus loin le mot dogme), car pour établir cette définition nous utilisons des mots en nombre limité, et à l'intérieur desquels nous installons un mystère qui dépasse de beaucoup le cadre verbal. On fait quelque chose de très délicat en définissant un dogme inutilement ; tel par exemple, l'Immaculée Conception, alors qu'il n' y avait pas d'urgence en ce domaine : on a cristallisé dans ces deux mots un mystère qui les dépasse de beaucoup ; il est difficile ensuite lorsqu'on approche de ce Mystère, de pouvoir en cerner le contenu. Le concile de Chalcédoine a défini le dogme du Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, ayant la Nature Divine et la Nature humaine sans confusion et sans séparation : c'est une des plus belles définitions dogmatiques du christianisme. Eh bien ! en lisant cette expression du dogme de Chalcédoine, on peut très bien en tirer une sorte de parallélisme entre la Nature Divine et la Nature humaine qui aboutit, dans la psychologie, à ce qu'elles commencent à se séparer ; pourtant cette définition nous vient de saint Léon, pape de Rome, homme de grande justesse, de pensée et d'expérience, mais quand même, elle peut nous faire tomber dans un genre d'humanisme, nous centrant sur la Nature humaine du Christ, diminuant sa Nature Divine et surtout, les faisant Se séparer.


Retenons ici que tous les Noms Divins sont révélateurs, mais ils viennent après Dieu, et après seulement ; ce qui nous permet de dire que l'Écriture Sainte, par exemple, ou bien l'infaillibilité d'un homme ou d'un texte ne sont que des portes qui ouvrent sur le Mystère. Saint Grégoire de Nazianze dit qu'en théologie, il n'y a pas de « donc « ; par exemple :Je crois en la Divine Trinité, Père, Fils et Saint-Ésprit, donc, je retrouve dans la famille humaine le reflet de ce Dieu trinitaire ; le « donc « est ici en trop. Ne mettez jamais de « donc » dans votre théologie, dites : « Il me semble que... Il y a des analogies... « peut-être qu'en s'appuyant sur les dogmes et sur les Noms, nous pouvons voir Dieu qui Se dévoile... » .


La mauvaise théologie a pour caractéristique d'être explicative car elle est remplie de « donc », alors que la bonne théologie est descriptive.


Tout ce qui est descriptif en théologie ne sera pas forcément bon, mais en tout cas déjà plus juste. Les théologiens sont les hommes qui ont été « théophanisés », c’est-à-dire qui ont vu Dieu dans ses Théophanies. La Tradition orthodoxe en a retenu trois auxquels elle décerne le titre de « théolo­gien » : l'apôtre Jean le Théologien, saint Syméon le Nouveau Théologien et saint Grégoire de Nazianze, ainsi nommé parce qu'il a prononcé des sermons théologiques à Constantinople sur le Père, le Fils et le Saint-Ésprit (qu'il est recommandé de lire).


Alors, sommes-nous théologiens ? La réponse est OUI pour deux raisons :

1-Parce qu'il y a la Pentecôte qui donne à tous la possibilité de la connaissance théologique ;

2-Par la participation à l'Église, aux saints et aux théologiens (n'entendez pas par là les théologiens d'École) : nous connaissons progressivement


Dieu manifesté. N'avez-vous jamais eu, par la participa­tion à la Divine Liturgie, les yeux qui s'ouvrent et des approches de Temple divin ?


Quelle est la particularité des théophanies ? Tout d'abord, ne confondez pas ce terme avec Épiphanie. Dans une Épiphanie, Dieu S'humilie ; les Mages ont eu une épiphanie, voyant Dieu enfant : la chair cachait la divinité. La Transfiguration, le Baptême dans le Jourdain, sont des Théophanies, car les Cieux se sont ouverts, on a entendu la voix du Père, vu l'Ésprit sous forme de colombe. La particularité des Théophanies est telle que ceux qui les voient ne peuvent pas l'exprimer : on ne peut exprimer l'inexprimable. Mais on peut être véridique, comme dit saint Jean le Théologien : « Nous L'avons vu, nous L'avons touché ». Mais lisez le dernier discours du Christ aux Apôtres, qui est théologique ; comme c'est difficile à pénétrer.


Mais peut-être direz-vous maintenant : Que penser de la théologie scolaire ? Elle a un rôle noble mais très limité. Elle donne certaines définitions et certaines synthèses, mais uniquement parce que telle est la caractéristique de la nature humaine, que sans synthèse, nous ne pouvons ni vivre, ni agir, ni réaliser quoi que ce soit. Quelques exemples de synthèses théologiques que l'on peut qualifier de réussies : celle de saint Athanase « Dieu S'est fait homme pour que l'homme devienne dieu » ; une de Mgr Jean : « Dieu est transcendant par essence et immanent par action ». Mais si nous regardons théologiquement, la faiblesse de ces synthèses, c'est que la Trinité est absente ! On a dit Dieu, mais pas Trinité et on ne peut faire autrement à cause de la terminologie : on ne peut pas dire que la Trinité est devenue homme, car c'est le Logos qui S'est incarné. (Une grande théologienne comme sainte Thérèse d'Avila ne voyait pas pourquoi !). La faiblesse de ces synthèses, c'est donc qu'elles comportent des manques immenses.


Nous avons donc certaines visions métaphysiques (nous en avons besoin), et il y en a eu de sublimes comme celle de saint Paul : « Tout est de Lui, par Lui et en Lui » ou celle de saint Irénée : « Par le Verbe, Dieu S'habitue à vivre parmi les hommes, et dans l'Ésprit, les hommes s'habituent à vivre dans l'intimité divine », mais ces visions ne sont pas la plénitude. Origène les appelle des « théologoumènes », c’est-à-dire des recherches, des dissertations ou des phrases. Forgez vos propres « instruments théologouménique » .


Pour illustrer notre propos, nous vous livrons deux citations de saint Grégoire de Nazianze ; la première est extraite de son Deuxième Discours Théologique, où il parle de la théologie en général, parlant de l'apôtre Paul, il déclare : « Paul s'efforce d'atteindre, je ne dis point la nature de Dieu, car il savait que c'est absolument impossible, mais seulement les jugements de Dieu. Comme il ne trouve pas d'issue, ni de points d'appui dans son ascension, et comme la curiosité de sa pensée n'aboutit pas à un terme distinct, car il entrevoit toujours quelque chose qui lui échappe, alors, Ô Merveille, et ceci dit pour éprouver moi aussi les mêmes sentiments, alors il enveloppe son discours d'un sentiment de stupeur, il appelle de telles réalités : richesse et profondeur de Dieu ; il avoue que les jugements de Dieu sont incompréhensibles en reprenant presque les paroles de David ; ce dernier nomme parfois les jugements de Dieu : un vaste abîme dont il n'est pas possible de saisir le fond par une mesure ou avec les sens. Et parfois, il dit que cette science est trop merveilleuse pour lui et pour ses capacités, qu'elle est trop forte pour sa puissance et pour son atteinte ».


La deuxième est extraite de son Cinquième Discours Théologique, où il traite du Saint-Ésprit :


« En somme, je ne trouve aucune image qui me donne pleine satisfaction pour illustrer le concept de Trinité. Il faudrait que l'on ait assez de sagesse pour n'emprunter à l'exemple choisi que certains traits et rejeter le reste ».

Grégoire de Nazianze avait pris auparavant comme exemple, le soleil, ses rayons et la lumière et aussi la source, le ruisseau et le fleuve pour essayer d'approcher la Divine Trinité :


« Aussi ai-je fini par me dire que le mieux était d'abandonner les images et les ombres qui sont trompeuses et qui demeurent très loin de la vérité. Je préfère m'attacher aux pensées les plus conformes à la piété, me contenter de peu de mots et prendre pour guide l'Ésprit pour garder jusqu'à la fin la lumière que j'ai reçue de Lui : Il est mon compagnon naturel, mon familier, et je traverse cette vie en persuadant aux autres, autant que je le puis, d'adorer le Père, le Fils et le Saint-Ésprit, une seule Divinité, une seule Puissance ».

C'est un langage de théologien d'école, son guide est l'Ésprit, car l 'Ésprit-Saint n'est pas du tout une discussion de théologien, même si on est anti-filioquiste ! C'est le cri de l'Église.


Nous devons bien comprendre ceci : le théologien comme nous sommes, est celui qui, comme dit le même saint Grégoire de Nazianze : « Fait un petit pas en avant », qui exprime un petit mieux ou un petit peu plus. Une question fut posée à saint Basile lorsqu'il donna son Traité du Saint-Ésprit, où il analyse la grammaire théologique (de, par, en) : « Pourquoi ne dis-tu jamais que l'Ésprit est Dieu ? Je me limite, répondit-­il, cela est pour les générations à venir ». Mais il avait, lui, quelque chose d'un « petit peu plus », laissant aux générations futures le soin d'en faire autant. Tel est le bon théologien, qui se rappelle en même temps que Dieu Se prononce Lui-même, en Lui-même, comme Il le fait par exemple dans le Prologue de saint Jean : « Dans le Principe était le Verbe, et le Verbe était Dieu » ; c'est un des exemples les plus fameux de l'Écriture Sainte où Dieu Lui-même Se prononce.


Ceci étant (nous l'espérons) un peu clarifié pour vous, nous devons maintenant poser une question : « Avons-­nous une méthode d'accès à la théologie ? », ou, comme dit saint Irénée de Lyon, à la vraie gnose ? ou tout au moins pour aller au devant, puisque nous avons constaté que seul Dieu révèle Dieu. Oui, nous avons une méthode, et la pensée moderne dite « dialectique » s'en approche un peu, c'est l'ANTINOMIE, encore un mot qu'il faudra élucider. Récemment, notre diacre Élie, lors d'un colloque, a enthousiasmé le théologien juif Chouraqui, par la présentation d'un travail exégétique dont le mécanisme était l'antinomie. Essayons d'approcher cette méthode par des définitions.


Prenons la réalité : elle n'est ni rationnelle, ni sensible, c’est-à-dire qu'on ne peut l'appréhender, ni par la déduction conceptuelle, ni par l'expérience. (C'est une définition que nous pensons acceptable). Qu'est-ce alors que la « réalité « ? C'est ce qui est réellement, au-delà des concepts et de l'expérience. Pourquoi ? Si vous prenez le concept (ou l'idée), il est intellectuel et il met une abstraction, introduit ce que l'on appelle transcendance. Vous pouvez avoir un certain nombre de concepts qui vont, peut être, entrer en harmonie les uns avec les autres. Mais la difficulté des concepts, c'est qu'ils créent un autre monde qui s'insère entre ce qui est et ce que l'on pense. Dans la terminologie contemporaine, on appelle cela une structure ; mais la réalité échappe à toute définition, d'où la difficulté des concepts.


Regardons maintenant du côté de l'expérience. La réalité ontologique la dépasse parce que toute expérience introduit une confusion entre ce qui est et ce qu'on expérimente, du fait que l'on s'identifIe à ce que l’on expérimente, sinon, il n'y a pas d'expérimentation. Mais on ne peut pas tout expérimenter, seulement une faible partie des choses.


Ainsi, aucun concept, aucune expérience ne peuvent définir la réalité, parce qu'ils n'en saisissent qu'une infime partie. Précisons : l'intellect regarde, mais il est séparateur, car il introduit un troisième élément : il y a celui qui pense, ce que l'on examine, et les concepts. L'expérience est unitive, loin d'introduire un troisième élément, elle confond les deux autres, les sauve, les met ensemble. Par exemple, la formule chimique de l'eau H2O est un concept ; elle ne saisit qu'une partie de l'eau. Pourtant, avec les formules chimiques on construit un monde... les plus grands progrès de la science moderne ont été justement faits en chimie ; mais la réalité ontologique de l'eau échappe à cette formule. Si par ailleurs nous entrons dans l'eau, nous expérimentons quelque chose que la formule chimique ne donne pas : c'est que « ça mouille « ; ceci nous unit à l'eau alors qu' H2O appartient au monde conceptuel avec lequel on fait les réalisations techniques.


De cela Kant a conclu que les choses en elles-mêmes ne sont pas connaissables et que nous ne pouvons connaître que les phénomènes. Cette pensée a énormément influencé la philosophie et la science modernes ; mais Kant a fait une faute lorsqu'il a dit que la chose « en soi « n'est pas connaissable. Il est exact que la chose, ou la réalité en soi ne soient pas connaissables par le concept et l'expérience ; mais rien n'indique qu'il n'y ait pas un autre mode de connaissance : c'est la méthode « antinomique « vers laquelle nous progressons. Cette méthode va nous libérer des sciences partielles, appuyées sur des structures plus ou moins riches, d'une part, et d'autre part, nous libérer aussi de ces multitudes sans lien que l'on trouve dans les sciences appliquées, liées à des expériences renouvelables à l'infini. Quels liens par exemple dans le domaine de la médecine, entre allopathie, homéopathie et acupuncture ?... cette dernière, par exemple, est purement pragmatique et n'a pas de théorie générale, sauf quelques éléments de contemplation à partir du yin et du yang.


Ainsi, Hegel, Kant et leurs successeurs ont renoncé à l'inconnaissable, mais ils ont quand même mis au point un instrument antinomique : la dialectique, qui pense saisir le monde par un certain acte de foi. Vous connaissez la dialectique hégélienne : thèse, antithèse et synthèse, la thèse c'est l'individu, l'antithèse la famille et la synthèse… l'État prussien ! Étrange raisonnement de la part d'un homme pourtant génial. Cet instrument dialectique forgé par les philosophes ne peut pas et ne veut d'ailleurs, pas saisir la réalité, ce que l'on peut appeler l'ontologie. Aussi le Dieu d 'Hegel, car il en a un, a pour caractéristique (puisqu'on a renoncé à l'inconnaissable, mais qu'on a quand même forgé un instrument dialectique un peu antinomique), d'être un Dieu en devenir : Il n'est pas, Il sera, on y va. D'où, comme sa méthode dialectique est passée à Marx au bout du compte, la foi des marxistes pour une synthèse qui est pour plus tard, qui est un « Dieu en deve­nir » : le socialisme universel, (Ce n'est d'ailleurs pas la seule critique du système dialectique). Ajoutons qu'il est vrai que l'on peut s'approcher de la réalité par le monde de la radio - les concepts - et par l'expérience ; mais par ces moyens on n'en saisit qu'un aspect, non la totalité.


Une faiblesse humaine considérable : les hommes ont la manie de s'assimiler à leurs expériences et à leurs visions. Un cas classique de cette identification est fourni par le phénomène de la réincarnation, identification avec l'expérience de la justice et de l'injustice. Un autre exemple est celui de l'évolution­nisme : Darwin et la science du XIXe s., c'est une vision conceptuelle fondée sur une émotion, mais ce n'est pas une nécessité d'ordre scientifique ; et pourtant, les hommes ont été éblouis par l'évolutionnisme ! Cette faiblesse, qui consiste dans cette identification à prendre une partie pour le tout, porte dans l'Église le nom d'hérésie. C'est un phénomène psychologique de l'homme, ayant vu un aspect qui nous a éblouis, si on éprouve des chocs qui contredisent la plénitude de l'aspect partiel que l'on a perçu, à cause de cette contradiction, on va nier ces chocs, essayer de les englober ou essayer de faire plus ou moins coller le tout ensemble, et ainsi, on pèche une fois de plus contre la réalité ontologique.


LA PENSÉE ANTINOMIQUE


En quoi consiste donc la pensée ou la connaissance antinomique ? La réponse est simple quoique pas toujours facile à percevoir, cette pensée est celle qui contient les opposés et ceci dans leurs rapports exacts. Une pensée antinomique, par exemple, est celle qui va contenir simultanément autorité et liberté. La différence entre antinomie et dialectique, c'est que cette dernière ne contient pas les opposés mais qu'elle les oppose. On doit aussi préciser que la connaissance antinomique a plusieurs formes et que tous les opposés n'y entrent pas, sans préciser davantage là-dessus pour le moment


Que nous donne cette méthode de manière immédiate ? Elle écarte les choix abusifs et sectaires et elle a surtout pour avantage de rendre disponible l'intellect et le cœur pour s'approcher de la réalité ontologique (qu'on a pu noter dans les citations de saint Grégoire de Nazianze faites auparavant). De plus, cette méthode ne s'attache pas seulement à la pensée et à l'expérience, mais aussi à celui qui pense ou expérimente : c’est-à-dire que la pensée antinomique prépare l'homme qui est lui-même l'instrument, apte à la théologie ; elle est indispensable pour approcher de la réalité ontologique.


Tous nos dogmes sont antinomiques :

  • Dogme trinitaire : unité et multiplicité ;
  • Dogme de l'Incarnation : Dieu et homme ;
  • Marie : Vierge et Mère, ou Pure et féconde.

La pensée antinomique est une pensée nouvelle et non passionnelle qui a été apportée par le Christ et transportée par l'Église. Mais on doit faire très attention, car c'est beaucoup moins simple que ces quelques mots pourraient le faire croire :


1 - c'est une nouvelle manière de connaître, mais ce n'est pas une nouvelle manière de vivre. Cela n'apporte pas une nouvelle vie, car, qui est vivant ? Dieu ! et aucune pensée n'informe Dieu : on ne peut Le soumettre à quelque pensée ou tyrannie de la pensée que ce soit. Pas même la pensée antinomique n'informe la Vie. Mgr Jean disait de la Vie, qu'on peut s'approcher d'Elle en parlant de cet « immuable changement perpétuel ». Il est intéressant d'avoir cette expression-là, mais cela n'informe pas du tout la Vie ; c’est-à-dire qu'on approche différemment de Dieu par l'antinomie si on dispose de cet instrument, mais cela ne change pas Dieu. Le théologien, nous l'avons vu, c'est Dieu, et la théologie initie à la Vie divine et à la connaissance de Dieu vivant, mais c'est Dieu Lui-même qui initie à la théologie et à sa propre connaissance. Précisons bien : la méthode de l'antinomie est une manière de penser, connaître, approcher, mais c'est bien Dieu et la Vie qui vont Se communiquer et dire ce qu'Ils sont


2 - autre point auquel il faut prêter attention : il existe un entêtement à conserver ce qui est païen dans les habitudes de 1'humanité ; cet entêtement est le refus de cette nouvelle manière de penser. Prenons, par exemple, l'esprit éclairé des philosophes : c'est une lumière reçue de l'extérieur ; mais où est l'intérieur ? Il n'y a pas d'antinomie en ce domaine. Tandis que le Christ dit : « Vous êtes la lumière ». Vous restez certainement ce que vous êtes, mais vous êtes en même temps éclairés de l'intérieur, et telle est la nouveauté que nous communique l'Incarnation du Verbe : il est chrétien de dire qu'on ne se fonde pas sur l'extérieur (la loi du Talion, par exemple : œil pour œil… ), mais il est chrétien de dire qu’on doit transformer ses expériences, ses pensées et ses sentiments.

Prenons quelques exemples :


- Nous voyons dans les mêmes journaux le pape convoquer des consistoires de cardinaux pour élever et promouvoir la collégialité d'une part, et de l'autre, la publication des discours de ce même pape rappelant qu'il est le vicaire du Christ et le pasteur universel, y compris sur les cardinaux. Il y a ici une faute de la papauté : ne pas penser antinomiquement ! Car il est vrai que la hiérarchie est indispensable il est aussi vrai que la collégialité est également indispensable. Il est vrai que la religion est avec l'autorité, vrai aussi que la religion est dans le contact direct ; mais la soumission de l'un à l'autre ou leur opposition, n'est pas antinomique, mais fausse. Il serait juste de dire qu'autorité et collégialité forment une notion antinomique, mais donner à l'autorité une supériorité sur la collégialité, c'est garder un mode de pensée antique mais non chrétien.


- Autre exemple : le conflit entre conscience et autorité. Ce n'est pas en votant pour la conscience du parti communiste ou du pape (qui en a aussi) que l'on va résoudre ce conflit. Il y faudrait cette notion d'antinomie, ce saisissement spontané et non pas découlant d'un raisonnement logique des deux opposés ; et on pénètre à travers ces deux opposés, tels conscience et autorité, comme par une porte ; deux battants, dans ce qu'on appelle la «théoria » ou la connaissance de la réalité elle-même.

Souvenez-vous, le Christ dit : « Je suis la Porte ». Si nous restons dans le domaine de notre étude, cette porte c'est cette pensée nouvelle, antinomique, apportée par Lui ; et la porte s'ouvre sur les pâturages spirituels, c’est-à-dire sur l'Ésprit-Saint. Vous pouvez retrouver ceci à travers les paraboles évangéliques.


La théologie prétend ainsi que la « raison pure « ou l'intelligence purifiée de toute habitude imaginaire est capable de saisir spontanément les opposés ; mais nous disons bien : dépouillée de la multitude de nos habitudes, que nous ne pouvons pas supprimer du jour au lendemain. (Nombre de contemporains disent ne pouvoir supporter l'Église-institution... )


Prenons ce problème des « opposés » cher à Kant et posons la question : Le monde est-il fini ou infini ? Kan dit qu'il faut qu'il soit ou fini, ou infini, mais pas les deux! Dans la pensée antinomique, nous répondrons qu'il est les deux à la fois. Expliquons : le monde est simultanément fini et infini, mais quel est le rapport exact de ces deux opposés ? Car il ne suffit pas de dire qu'il y a les deux, il faut les saisir dans l'exactitude de leurs rapports. Le monde est fini et limité en tant qu'il est quelque chose par lui-même, en soi. Par ailleurs il est infini et illimité en tant qu'il entre en communion avec Dieu ou sans même prononcer le nom de Dieu en tant qu'il est en devenir. Le monde est donc simultanément fini par sa propre définition, en tant qu'il est, et infini en tant qu'il est en devenir. D'où l'approche de la réalité (réalité n'est qu'un mot mais il est commode) a besoin de ces « deux » simultanément présents.


Nous devons pousser encore plus loin cette quête, sinon nous ne percevrons pas bien la différence entre cette pensée antinomique et la dialectique qui traîne actuellement les rues. Purifions donc notre esprit et notre intelligence et continuons à étudier cet exemple, pris parmi tant d'autres, du fini ou de l'infini. Si nous les prenons dans l'aspect de leur opposition, de la tension qu'il y a entre eux, nous constatons qu'il y a des valeur positives et des valeurs négatives de ces opposés. Ainsi la pensée grecque classique voyait le monde comme fini et lorsqu'elle s'était débarrassée des catégories du monde, c’est-à-dire des accrochages matériels sur le fini elle concluait que le fini, le limité, le défini, a des qualités supérieures à l'infini ; l'infini est imprécis, informe, flou, inachevé, tandis que le fini est achevé. Un exemple du monde fini nous est fourni par la beauté qui exige la précision, la fixation et la limitation. Mais, par ailleurs, nous pouvons dire que ce qui est fini est statique, arrêté, fermé, limité, sans potentialité, incapable d'évolution et d'épanouissement donc définitif. Le fini est donc unique, on peut l'appeler « personnel » , tandis que l'infini est universel, et convient à toutes les possibilités. Ainsi, nous sommes arrivés au bout du chemin de la tension entre ces deux notions et nous avons l'impression qu'on ne peut pas pousser plus loin.


Eh bien si ! On peut pousser encore plus loin la contemplation sur ce sujet, et nous aurons alors l'impression que les valeurs se renversent : ce qui est personnel, unique, sans partage, fini, implique la notion de liberté, personne et liberté marchent de pair, c’est-à-dire, la notion de ce qui n'est pas conditionné, de l'imprévu, et à travers ceci, s'ouvre une nouvelle perspective de l'infini. D'autre part, l'infini, l'universel, qui a toutes les possibilités, devient inchangeable lorsqu'on y a inclus toutes ces possibilités. Cet inchangeable engendre alors, ce qui est connu, stable, immuable et cela ferme l'universalité à toute la possibilité de nouveauté, puisque tout a été mis à l'intérieur, et cela lui donne une perspective finie.


Tout ceci apparaît un peu comme un petit jeu intellectuel, et ce l'est certainement, mais on peut en conclure ceci :

1- L'opposition du fini et de l'infini, avec ce renversement des valeurs à la limite de la tension entre les deux, nous oblige, et c'est là ou cela est intéressant et nous conduit à considérer deux sortes de démarches vers Dieu, vers Celui qui est « Le Théologien » :

  • une démarche positive, ou théologie cataphatique (Dieu est ceci, cela... noms positifs) ;
  • la démarche négative, ou théologie apophatique (Dieu n'est pas ceci, cela... noms négatifs).

2- Nous avons un concept moderne du cosmos, qui se veut soumis à la loi d'évolution. Cette loi suppose comme hypothèse l'univers infini, car s'il était fini, il ne pourrait évoluer. En revanche, pour la pensée antique et notamment la pensée grecque classique, l'univers était vu comme statique, donc devait être fini et limité. En regardant théologiquement ces deux visions, en les prenant seules, toutes les deux sont des hérésies, en ce sens qu'elles écartent l'antinomie initiative dont nous venons de parler.

De même, nous trouvons une hérésie par rapport à l'antinomie et au regard théologique chez le philosophe et dialecticien Hegel (1770-1831) ; il disait que la conscience définit l’existence : « ainsi tu penses, ainsi tu agis ». En face de lui Engels (1820-1895) disait au contraire que l'existence définit la conscience, ou pour résumer schématiquement, « ce que tu manges définit ton mode de vie », thèse matérialiste qui sous-entend un peu la pensée de Karl Marx (1818-1883). Ces deux dialecticiens sont partis chacun sur une formule différente. Il eut été intéressant de faire un raisonnement dialectique avec ces deux termes opposés ; mais cela n'a pas été fait (cette remarque fut faite à une personnalité communiste qui a répondu avec finesse : « Vous êtes ecclésiastique Monsieur ? Eh bien pour nous, l'existence définit la conscience, c'est notre dogme ! ».


Pour en revenir à ces visions ou antique ou moderne du monde cosmique, elles sont dialectiques, et le fait de poser leur opposition ne donne pas la solution, parce qu'aucune de ces deux visions ne pousse l'antinomie jusqu'au bout. Nous pouvons dire que grâce à cette antinomie là, l'essence du monde nous échappe et échappe en tous cas à ces deux concepts.


Approchons maintenant de la pensée antinomique théologique en citant un certain nombre de formules.


La première est de Mgr Jean : « Dieu est totalement transcendant par son essence, et totalement immanent par son action ». Formule très remarquable, dont la seule faiblesse est de ne pas parler de la Divine Trinité, mais on ne peut pas parler de tout à tout moment, car nous vivons quand même dans le temps. Cette antinomie est vécue par ceux qui ont l'expérience de Dieu, et dans ce vécu, l'homme peut dire : « Je suis fier d'être un homme parce que je suis créature de Dieu transcendant, et je tremble devant le Créateur » et en même temps : « J’ai honte d'être homme parce que je suis pécheur, et j'ai totale confiance en mon Rédempteur ». Ce sont là des applications de la formule antinomique de Mgr Jean.


Il existe d'autres formes de vivre l'antinomie, qui ne sont pas antinomiques, et qui finissent toujours tragiquement.

L'humanisme athée, qui est la conscience de la dignité humaine est une de ces formes, notion très remarquable, mais sans Créateur. Celui qui pense ainsi est insensé puisqu'il n'a pas le commencement de la Sagesse qui est la Crainte de Dieu. Nous avons en face la « religiosité désincarnée » qui est la conscience péché, mais sans la confiance du Rédempteur : c'est absurde parce que Dieu est Amour.

  • L'humanisme athée privé du commencement de la Sagesse est décapité ;
  • La religiosité désincarnée privée de l'accomplissement de la Sagesse est déracinée.

car ils ne sont pas posés antinomiquement.


En face de l'antinomie de Mgr Jean, il se forme deux tendances hérétiques qui ont mené aux deux conséquences que nous venons de citer : humanisme athée et religiosité désincarnée.


La première est le refus de l'Immanence divine : dans ce cas on dit comme Descartes : « Dieu est transcendant. » C'est une méthode intellectuelle, une attitude qui mène vers un Dieu lointain, indifférent, inutile, voltairien qui prépare le climat de l'athéisme. Il ne s'agit pas ici de juger moralement l'attitude qui ne considère que « Dieu transcendant », mais il faut constater qu'une telle attitude éloigne Dieu, en fait un Dieu étranger à destin, totalement incommunicable, puis devient nuisible, sorte de superstructure lointaine, gênante, dont on doit finalement se débarrasser ; Dieu relégué dans la transcendance... lointaine... inutile... nuisible... tel est le processus.


La deuxième est le refus de la Transcendance divine, qui mène à confondre progressivement Dieu avec monde, ou plutôt avec l'esprit du monde et ce qu'on appelle l'élan vital. A ce moment-là Dieu commence à se « diluer » dans l'esprit humain et dans les énergies humaines, et ainsi à ne plus être Dieu. (Des étapes jalonnent ce processus, nous y reviendrons).


Retenons que la pensée antinomique est notre méthode d'approche de Dieu, si nous l'employons théologiquement. Elle n'est pas la vie, mais une méthode de la pensée. Nous pouvons passer au crible toute démarches de pensée du monde qui ne sont pas antinomiques : on voit très bien comment, après cela, on est dans le processus de l'hérésie dans la pensée, qui se transmet ensuite aux différentes couches du monde.

Prenons un autre exemple de notre méthode d'accès à la théologie par l'antinomie, à partir du Symbole Trinitaire, dit de saint Athanase d'Alexandrie (295-373), mais qui selon toute probabilité, est plutôt de saint Césaire d'Arles (470-543), qui se dit à l'Office de Prime. Ce Symbole donne les axiomes suivants, relatifs à la métaphysique trinitaire :

1- « Il n' y a pas de pluralité sans unité, ni d'unité sans pluralité », mais il y a les rapports exacts de ces deux,

2- « Ce qui est Un n'est pas pluriel et ce qui est pluriel n'est pas Un ».


Toute fausse unité contient en effet la confusion et toute fausse analyse contient la séparation. L'ignorance théologique consiste ou à confondre ou à séparer : confondre Dieu avec nous, séparer le cœur de l'esprit, etc. D'où, si l'on étudie attentivement et authentiquement un domaine de l'être par exemple, comme le font les sciences expérimentales, sans le mettre en relation avec les autres domaines, même si cette étude est véridique, elle n'en sera pas moins une erreur, parce qu'on aura oublié le reste. Ce n'est pas mal d’étudier un domaine de l'être (on ne peut pas faire autrement d'ailleurs), mais ce qui est inexact, c'est de ne pas le mettre en rapport avec les autres : cela revient à construire une maison sans escalier.

  • dans un tel cas l'erreur sera double : d'une part, la séparation et l'isolement feront perdre la vision globale, et d'autre part, le domaine étudié sera valorisé au-delà de ce qu'il vaut en lui-même. Une très grande difficulté de la théologie est de ne pas valoriser un sujet au-delà de sa valeur réelle.
  • une autre conséquence de ceci concerne l'analogie qui a une vertu car elle unit ; mais aussi une difficul­té : elle ne donne pas les rapports exacts. L'analogie est exacte comme cheminement vers l'unité, mais quelle équivoque lorsqu'elle ne discerne pas en elle-même les rapports exacts qui la composent ! Les représentations iconographiques qui se situent dans le domaine de l'analogie nous fournissent un exemple concret. L'icône trinitaire de Roublev, ou celle de la Transfiguration, sont remplies d'analogies, mais si les rapports internes qui les composent ne sont pas perçus par l'iconographe, l'analogie devient très équivoque, et cela donne de mauvaises icônes.

Un troisième exemple d'antinomie théologique se trouve dans l'opposition bien connue de l'être et du non-­être ; cette opposition contient deux antinomies, l'une concernant le Créateur, l'autre concernant la créature.


1- Le Créateur, cette antinomie se formule ainsi : « Dieu est et Dieu n'est pas ». « Dieu est » parce qu'Il est la Source de l'Être du monde. « Dieu n'est pas » parce qu'Il n'a pas la contrainte d'être, Il est au -delà de l'être ; ce que saint Denys l'Aréopagite exprime par cette belle formule : « Dieu est non-être », et que l'on peut transposer en disant : Dieu est librement Dieu ; Il n'est pas obligé d'être Dieu. Lorsque Dieu dit à Moïse, (ou que le Christ dit au peuple juif) : « Je Suis », Il ne dévoile pas sa nature, mais Il Se limite volontairement comme être. Ainsi, il ne convient pas de coller l'être comme si cela était la Nature Divine, à la façon des philosophes scolastiques médiévaux. A Lourdes, le 25 mars, la Vierge Marie dit à Bernadette : « Je suis l'Immaculée Conception ». L'Immaculée Conception est sentie par l'Église romaine comme relatif à la conception de la Vierge, alors qu'il s'agit en fait de celle du Christ. Ici, la Vierge ne dévoile pas sa nature, mais elle se limite dans un aspect de sa vie, celui de Mère de Dieu. Cela peut paraître paradoxal, mais elle s'est limitée en cela : on peut établir ici une analogie à condition d'en comprendre le contenu


Ainsi, parler de Dieu comme l'« Être Suprême » à la façon de Robespierre, ou fonder la théologie sur Dieu pris comme Être Absolu, cela consiste à s'écarter de la théologie et à faire de Dieu une sorte de « supra –nature » , ou de « supra –structure » abstraite et statique. Toute la psychologie déiste du XIXe siècle, ou le déisme des Francs-Maçons, proviennent d'une telle démarche.

Retenons que « Dieu est » parce qu'Il a voulu être, et qu' « ll n'est pas » parce qu'Il Se situe au-delà de l'être et du non-être. Dans une certaine mesure, face à la Création, Dieu n'est pas afin que nous soyons, et cependant Il est pour que nous soyons, aussi paradoxal que cela puisse paraître.


2- La Créature : elle est parce que Dieu veut qu'elle soit ; en même temps, elle n'est pas, en soi, sans Dieu. A travers cette antinomie, il est intéressant de noter qu'on rencontre à travers les siècles attitudes, ou deux tendances, au sein de la créature : l'une va vers le néant, considérant par exemple que le monde est illusoire, l'autre pousse vers la plénitude de l'être et vers le monde uniquement réel.

L'absurdité et la logique merveilleuse du monde, peuvent être ainsi mises en contradiction. (Heureusement, il y a des éléments où il y a du flou, dans la création, sinon on mettrait la totalité de cette création dans l'être... Nous ne disons pas ici que selon Dieu il y a du flou. Mais les Pères de l'Église ont dit cette chose remar­quable : Dieu qui donne l'être au non-être et qui permet de devenir, a posé à l'intérieur du monde ce qu'ils appellent les « pensées séminales » : ceci fait que la créature en elle-même peut révéler multitudes d'aspects de la vie ou du devenir qu'elle ignore complètement pendant un temps déterminé ; peut-être même le fruit de ces pensées séminales n'apparaîtra jamais à travers le temps et l'espace.


Mais on peut dire qu'il y a et « absurdité » et « logique merveilleuse » du monde, qui souvent entrent en contradiction, l'essence du monde n'est ni l'un ni l'autre, mais les deux à la fois. L'essence du monde est à la fois être et néant, illusion et réalité. Dans le Psaume cosmique nous lisons : « Tu envoies ton Ésprit, ils sont créés ; Tu leur retires le souffle, ils expirent et retournent à leur poussière » . Ici apparaît cette vibration, cette palpitation entre l'être et le non-être, l'illusion et la réalité. On peut aussi poser la question de savoir si le monde matériel est continu ou discontinu ? Au lieu de parler de continu et de discontinu de manière abrupte, on peut partir d'autres prémices et dire : il y a le visible et l'invisible. La caractéristique du monde invisible, c'est d'être presque plein, celle du monde visible d'être presque vide (discontinuité entre les êtres et entre les parties constitutives des êtres jusque dans les plus infiniment petites où la vacuité est considérable).


Sortant des exemples qui nous obligent à poser des antinomies, abordons très brièvement les deux fondements antinomiques de la théologie :

  • La Divine Trinité
  • L'Incarnation du Verbe

que nous exprimons dans le signe de croix en joignant trois doigts, les deux autres restant à part.


La Trinité, qui est le fondement de toute la confession chrétienne introduit l'antinomie de Dieu personnel et de Dieu a-personnel, de l'unité et de la multiplicité, d'Hypostase Divine et de Nature Divine. Ce qui, comme le souligne saint Grégoire de Nazianze, dépasse deux attitudes : l'attitude juive et l'attitude grecque (monothéi­sme des Juifs, polythéisme des Grecs). Ce faisant, cette antinomie trinitaire introduit une tension salutaire. Nous pouvons très bien essayer de projeter pour nous-même, l'antinomie trinitaire dans les éléments de notre existence (vie familiale, professionnelle... ), à condition de ne pas éliminer l'un des deux termes, entre par exemple : unité et liberté, ou entre le collectif et le personnel. Les systèmes que nous pouvons qualifier d' « hérétiques » sont ceux qui vont favoriser le collectif par rapport au personnel (ou individuel) ou l'individuel par rapport au collectif. Il arrive même souvent dans les systèmes un peu dialectiques de notre époque qu'ils se détruisent réciproquement (capitalisme/socialisme, par exemple).


Dans la vie ecclésiale ou sociale, cette antinomie trinitaire nous place devant une poussée permanente qui est celle de la nécessité de défendre simultanément le bien commun et le droit individuel, ne permettant pas de préférer l'un à l'autre. Nous avons certes des préférences psychologiques, nous naissons avec. Mais si nous voulons nous approcher de la théologie, il n'est pas permis de préférer « Untel » à la « Communauté de Saint Irénée » , ni réciproquement. Cette antinomie nous place devant l'unité de l'humanité et devant l'originalité des peuples, cultures et civilisations ; l'unité de l'Église et l'originalité de l'Église locale, par exemple. (Hitler et Staline ont vécu une certaine antinomie qui ne s' est pas résolue : système racial original à tendance exclusive chez l'un, système collectiviste chez l'autre. Le problème était mal posé au départ, mais avec quand même une sorte d'antinomie à l'arrière-plan).


L'antinomie trinitaire vécue transfigure, comme le dit l'ancienne Préface du rite des Gaules, les relations humaines en rapports divins. Historiquement, il est bien certain que cette antinomie engendre une série de guerres, de troubles, de révolutions, de crises, telles par exemple que la crise entre le romantisme et le classicisme, ou cette autre, toujours dans le domaine historique : la liberté des nations et la synthèse internationale ; et encore : État et Société... Dans l'organisation de l'Église, cette antinomie pose impérative­ment la nécessité de deux ou trois : deux ou trois paroisses, deux ou trois évêchés, deux ou trois métropoles, etc...


L'Incarnation - Très succinctement, cette antinomie dit que le Christ saisit simultanément et spontanément, dans sa Personne, l'humanité plénière et la Divinité plénière « sans confusion ni séparation » comme le précise le concile de Concile de Chalcédoine. Ceci a pour effet de créer le dialogue entre le divin et 1'humain d'une part, et d'autre part d'accentuer au maximum la dialectique intérieure qui se trouve entre le sacré et le profane, ou entre les valeurs religieuses et l'humanisme, ou encore entre la grâce et la révélation divine d'un côté et les conquêtes de l'homme libre de l'autre, ou bien entre le divin qui est absolu et l'humain, ou en lui-même. Tous ces aspects là sont accentués au moment de la venue du Christ dans le monde. Il a ouvert cette antinomie avec une clarté totale qui fait qu'elle est maintenant posée dans le monde.

Un peu paradoxalement, nous pouvons dire que nous avons la possibilité d'être athée à notre époque parce que le Verbe S'est incarné, alors qu'on ne pouvait pas se le permettre avant qu'Il n'ait ouvert l'ère de l'Incarnation : les termes antinomiques n'étaient pas bien posés et comportaient un grand flou. Le Christ place les deux libertés : humaine et divine, en synergie, l'une en face de l'autre. Ce qui, si on regarde du côté du péché, rend tout à fait impossible que ce péché soit une injure faite à Dieu. Le péché blesse l'homme, ce qui est tout autre chose ; mais si on considère que le péché blesse Dieu, c'est qu'on n'est plus du tout dans une pensée antinomique.


L'antinomie et les verbes, vices et vertus


Pour bien comprendre l'antinomie, nous allons envisager maintenant les verbes et les vices, et ce que saint Maxime le Confesseur appelait des « intermédiaires » , qui ne sont ni vices, ni verbes, tels que la honte, les regrets, la tolérance, le scepticisme. Vices, vertus et intermédiaires peuvent être envisagés antinomiquement.


Prenons l'espérance : c'est la tension entre la certitude confiante et la lucidité critique. (La foi peut être envisagée de même manière, la différence entre foi et espérance résidant en ce que la première voit, et que la deuxième commence le chemin). S'il n'y a que certitude, on aboutit à la désillusion, s'il n'y a que critique, on aboutit à la « parole facile ». Foi et espérance ne comportent ni optimisme aveugle, ni pessimisme désabusé, mais elles soudent l'être et le devenir. Les vertus ne sont en général ni actives ni passives : elles constituent plutôt une vigilance disponible, sauf celles que l'on peut qualifier de dialectiques (qui s'opposent à quelque chose), comme l'ascèse qui s'oppose aux abus (manger moins parce qu'on mange trop, etc... ).


Les intermédiaires : ne sont ni des vertus, ni des vices, ni actifs, ni passifs, mais un mélange antinomique de pureté et d'impureté. Prenons la honte : nous avons honte car nous ne sommes plus ignorants du péché d'une part, d'autre part parce que nous ne sommes pas encore purs : ce qui fait que la honte ne permet ni de pécher allègrement, ni d'entrer dans la sainteté et pureté unique (aussi, ne la pratiquons pas trop : quoiqu'elle survienne lorsqu'on ne s'y attend pas !)


Les vices sont aussi constitués par un mélange d'éléments contraires : éléments de vie et éléments de décomposition, de pourriture. La haine, par exemple, se nourrit du jeu de l'amour pour détruire ; la luxure, c'est le goût du Paradis : la jouissance, mais appliquée dans une mauvaise direction, d'où décomposition ; la volonté de puissance est un mélange de présence et de gloire (l'humanité est appelée à la gloire, c’est-à-dire à être pleinement présente), mais en même temps, égocentrique et orgueilleux.


La dialectique face à l'antinomie


Examinons maintenant la place de la dialectique (un des grands thèmes de la vie moderne) en face de l'antinomie. Nous allons tacher de poser la première par rapport à a deuxième qui l'englobe et la dépasse, la dialectique est d'une certaine manière un fruit lointain de l'antinomie. Si la dialectique est très connue de nos contemporains, l'antinomie en revanche, en est presque inconnue, ce qui est regrettable, car c'est une méthode qui vaut la peine d'être utilisée. Il y a deux sortes d'antinomies :

  • L'antinomie ontologique, qui consiste à saisir les deux opposés spontanés, à les mettre ensemble et à chercher à établir leurs rapports, tels : unité et multiplicité (Trinité).
  • L'antinomie sotériologique, ou économique, ou dialectique qui consiste à avoir, comme les dialecticiens en matière de philosophie, une thèse, une antithèse et une synthèse qui se suivent (tout en étant ensemble) ou dans le raisonnement, ou dans le temps. Si la Trinité est une antinomie ontologique, l'Incarnation est une antinomie économique, de devenir. Cette deuxième catégorie d'antinomie est celle qui est la plus proche de la dialectique.

Dans l'antinomie ontologique, on saisit deux opposés dans leurs rapports exacts, spontanément, simultané­ment, tandis que dans le deuxième type d'antinomie, il y a des moments successifs. Il y a une thèse, par exemple Dieu, suivie d'une antithèse, la Création, puis un synthèse, dans notre exemple : le devenir de la Création.


Reprenons l'exemple des vices. Il faut bien faire attention à ne pas attribuer le caractère ontologique aux antinomies contenues dans les vices : le mal, en effet, n'a pas d'existence propre, et lui accorder les antinomies ontologiques reviendrait à lui reconnaître cette existence propre. On peut seulement parler d' « antinomies existentielles » et dire que les vices (phénomènes parasitaires) réclament dialectiquement une vertu pour les combattre.


Les trois vices les plus fondamentaux : égoïsme, luxure et volonté de puissance, qui ne sont pas créés par Dieu, ontologiquement, réclament des vertus dialectiques pour les combattre. La pauvreté combat l'égoïsme, la chasteté combat la luxure, et l'obéissance combat la volonté de puissance : ainsi sont posées thèses et antithèses. Lorsque les vertus (antithèses) ont combattu les vices (thèses) on a les synthèses : la royauté est la synthèse de la pauvreté combattant égoïsme, propriété, avoir. La béatitude celle de la chasteté combattant la luxure ; et la gloire celle de l'obéissance combattant la volonté de puissance. Toutes ces questions ont été étudiées (mais dans une autre optique !) par les penseurs du XIXe siècle : Freud a étudié la luxure, jouissance, ou libido ; Marx l'égoïsme, la propriété, et Adler la volonté de puissance

Ces antinomies sont vécues par les moines qui prononcent trois vœux, et souvent les révolutionnaires sont spontanément pauvres, chastes et obéissants : ils pratiquent dans le domaine antinomique des vices, par les vertus qu'ils pratiquent, parce qu'ils espèrent la synthèse : royauté, béatitude et gloire.


Exemples d'antinomie sotériologique :


Le premier exemple nous est fourni par la contemplation de l'être comme thèse, du non-être comme antithèse et du devenir comme synthèse ; ce que nous pouvons exprimer ainsi : Dieu Se manifeste et Se limite comme être, ensuite Il place le non-être comme autre et différent de Lui-même, c'est l'antithèse ; enfin, le troisième terme : Dieu tire du non-être, l'être à venir, c'est la synthèse. Ceci signifie que la tension qui s'institue entre l'être et le non-être, produit l'énergie et le développement, ce que l'on peut appeler l'être à venir ou le devenir.

Mais il faut faire attention à deux choses :


1- Si Dieu Se limite comme être (abnégation divine), nous voyons dans cette abnégation, ou auto­limitation divine, que la thèse (Dieu Se manifestant comme Être) contient l'antithèse, c’est-à-dire le non-­être. Si Dieu Se limite comme Être, Il peut être appelé aussi « non-être » ou « plus qu'être ».


2- La synthèse, le devenir, qui vient par opposition de l'être et du non-être, est possible à condition qu'il y ait une tension vers la perfection absolue et inchangeable. Mais la perfection inchangeable engendre la puissance au sein de la créature. Or, la création contient la négation de la perfection, car la perfection close et fermée s'oppose par exemple à l'altruisme et à l'action libre. Elle est fermée par exemple à l'attitude divine qui Se donne

Ces deux considérations : l'abnégation divine qui ouvre l'être au non-être d'une part ; et d'autre part, la puissance qui est toujours ouverte du devenir - nous amène à formuler obligatoirement que l'antithèse dialectique ne possède pas de synthèse définitive. Si vous contemplez l'homme, par exemple, vous pouvez toujours dire que nous sommes en devenir. Les éléments d'être et de non-être existent en nous (il y a chez 1'homme du biologique et du théologique, ou vie et néant, nous sommes un peu « suspendus » sur les deux), mais les synthèses que nous formulons ne sont jamais définitives. Ce qui donne d'ailleurs une position très inconfortable à l'humanité : l'homme est un perpétuel inquiet ; et lorsqu'on a trouvé une synthèse (on en a trouvé dans l'histoire), celle-ci appelle alors son opposé et elle devient la thèse d'une nouvelle antithèse : elles s'engendrent les unes les autres. C'est sur ce même point : le caractère non définitif de la synthèse qu'on trouve un décalage, une distinction avec la dialectique hégélienne ou marxiste, le matérialisme dialectique issu de la pensée hégélienne.


En premier lieu pour les synthèses marxiste (société sans classe) et hégélienne (le devenir) la solution qu'elles donnent est accomplie, achevée. Les deux premiers termes, thèse et antithèse, produisent le troisième, synthèse, qui pour la pensée de Hegel et de Marx est toujours supérieur aux deux autres, et de plus, sûr, certain, achevé, fini, au contraire de la synthèse de l'antinomie sotériologique qui n'est jamais définitive.


Maxime Kovalevsky dit que, du point de vue de l'économie politique des pays, la synthèse marxiste ne peut pas aboutir car la thèse et l'antithèse consistent à prendre et non à donner. Dieu Se donne (abnégation) et ne prend pas, et le fait théologique qui est impliqué dans l'économie antinomique de Dieu pour la création, c'est que Dieu S'ouvre, Se donne, et que le devenir S'ouvre à son tour, sans la synthèse définitive. La difficulté du marxisme, c'est qu'on fait des bâtards de la thèse et de l'antithèse : on prend, d'autres viendront un jour qui prendront à leur tour. Telle est la première différence que l'on peut relever entre l'antinomie dialectique et l'antinomie théologique : le caractère définitif ou non de la synthèse.


En deuxième lieu : Marx et Hegel demeurent dans la vision théologique lorsqu'ils postulent la thèse et l'antithèse. Mais ce qui n'est plus dans la vision théologique, c'est leur crédulité dans la synthèse ; cette crédulité peut amener un homme comme Hegel à penser qu'avec lui, la philosophie a dit son dernier mot et le conduit à ce type d'aberration : l'État prussien synthèse de la thèse, l'individu, et de l'antithèse, la famille... Ceci ne remet pas en cause la valeur de la dialectique comme l'instrument du dépistage des lois de 1'Histoire ; ce qui est en cause ici, ce sont les conclusions, les solutions.


En troisième lieu : si la crédulité est critiquable du point de vue rationnel, elle s'impose du point de vue psychologique. En effet, la foi dans la synthèse fait qu'on a confiance en elle : confiance chez Hegel dans la réussite de sa philosophie de 1'histoire, confiance chez Marx dans son engagement dans cette même histoire. Rappelez-vous Kroutchev tapant avec son soulier sur une table de l'ONU et manifestant ainsi sa confiance irréductible dans le matérialisme dialectique…


Exemples d' antinomie dialectique


Le premier exemple simple nous est fourni par la machine à vapeur qui fonctionne par opposition du froid et du chaud (Comme esprit et cœur chez 1 'homme). Le courant électrique qu'actionne une chute d'eau agencée par un barrage qui maintient deux niveaux inégaux. Dans ces exemples, l'élément de synthèse c'est, ou bien l'énergie, ou bien le mouvement, et toutes les machines du monde produisent toutes énergie ou mouvement. Mais dans ces deux cas, une nouvelle opposition peut s'ajouter aux oppositions initiales de chaud et froid ou de différence de niveau : le désir de nivellement, ou de stabilité ou de paresse, en d'autres termes : de mort. Les différences initiales de niveau de températures etc. engendrent le dynamisme, la progression, mais elles ont le défaut de tendre vers un certain arrêt. Dans cette dernière perspective en effet, la solution synthèse devient l'arrêt du mouvement qui supprime toute l'énergie du progrès.


Heureusement, dans l'histoire de l'humanité, il se crée instinctivement, par une sorte de loi intérieure, une nouvelle antithèse qui évite que se produise ce nivellement, sauf dans certains cas, mais jamais universelle­ment et historiquement. On retrouve les antagonismes de deux températures, deux niveaux... sinon, tout progrès deviendrait impossible.


Vladimir Soloviev, influencé par Hegel, posait une thèse, une antithèse et une synthèse historiques. Il posait comme thèse ce qu'il appelait la « religiosité encombrante », c’est-à-dire celle qui comporte la grâce qui écrase un peu le libre mouvement des hommes, l'ascèse qui engendre un certain mépris en opposition avec la vie quotidienne et la survie qui méprise la vie corporelle immédiate. L'antithèse de cette religiosité, c'est 1'humanisme, venu en Europe avec la Renaissance, et qui réclame les droits de la nature contre la « surnature » ou « supranature », et qui marche vers l'affranchissement de 1'homme loin de toute tutelle divine pour aboutir au matérialisme et à l'athéisme. Sa synthèse, très optimiste, c'était l'accomplissement du christianisme authentique et intégral, qui récapitule les valeurs humaines et les valeurs divines. Ce n'était pas sot : d'un côté la religiosité promet les droits divins, de l'autre l'humanisme promet les droits humains : on fait la dialectique entre les deux et la synthèse, c'est le christianisme ; c'est intéressant et c'est dialectique, mais ce n'est pas théologique. C'est plutôt une sorte d'angélisme ; ce qui eut constitué une véritable antinomie théologique aurait posé la création, ou l'image de Dieu en face de laquelle se trouve la volonté humaine, avec pour synthèse la ressemblance ; voilà une véritable antinomie théologique et sotériologique, que l'on peut aussi exprimer ainsi : la volonté divine en plénitude comme thèse, la volonté humaine en plénitude comme antithèse, et comme synthèse, la synergie. Mais à la fin de sa vie, Soloviev est revenu de son trop grand optimisme...


Il est très évidemment vrai que la thèse religieuse et l'antithèse humaniste sont inscrites dans la dialectique chrétienne. Toute la grandeur tragique de l'Église, à travers le temps, consiste à confesser en même temps Dieu en plénitude et 1'homme en plénitude et à tâcher de lutter pour trouver la synergie à travers les conditionnements et les soubresauts opposés. Contrairement à ce que pensent certains, l'Église ne s'est pas perdue lorsqu'elle est entrée dans 1 'historicité au IVe s. : si elle n'entrait pas dans 1'Histoire, elle perdait la chair, et ce faisant, elle perdait l'humanité, et il ne resterait plus qu'une religiosité tyrannique trinitaire, ou plus simplement tout à fait déiste.


Mais la critique que l'on peut faire à Soloviev aussi, c'est que la synthèse réalisée par la lutte entre les deux valeurs absolues qui sont les valeurs divines et les valeurs humaines, ce n'est pas vrai. La synthèse n'est pas le produit d'une lutte. Dans l'antinomie théologique, on prend simultanément les deux opposés, on ne les regrette pas, et on cherche leurs relations dans l'antinomie ontologique, et pour l'antinomie sotériologique, on prend les deux termes successifs : mais dans un cas comme dans l'autre, on ne les mettra pas en lutte. Peut être y a-t-il des soubresauts dans 1'histoire mais on ne les met pas fondamentalement en lutte. La lutte est un cauchemar dont on ne sortirait jamais s'il n'y avait que cela ; telle est la fameuse lutte des classes, dont précisément on ne sortira que parce qu'elle ne durera pas en temps que telle…


En résumé :


1- Une chose est certaine, si un homme ne voit pas la dialectique qui se manifeste dans l'histoire de l'humanité, il se prive de comprendre les événements, aussi bien dans la pensée, que dans l'art, la politique, les sciences exactes ou la sociologie humaine...


2- Celui qui se prive de l'antinomie théologique sera incapable d'accéder à la théologie ; de plus, psychologiquement, il entre dans un processus désagréable qui consiste à parler sur Dieu ou à propos de Dieu sans jamais L'écouter.


3- Comment alors entrer concrètement et individuellement par l'antinomie dans la contemplation théo­logique ? En suivant l'Apôtre Paul, qui dans son épître aux Romains, parle de l'universalisme du Christ qui dépasse l'opposition des Juifs et des Gentils. Dans l'épître aux Galates, il parle de la nouvelle créature qui dépasse l'opposition des circoncis et des incirconcis. Suivons l'Apôtre Paul qui est crucifié au monde : car telle est la méthode, prendre sa croix comme le dit le Christ : « Celui qui veut Me suivre, qu'il prenne sa croix... ». Chaque jour nous vivons des antinomies crucifiantes comme par exemple celle qui se pose dans la valeur absolue de la personne opposée à la valeur absolue de la communauté, les problèmes qui en naissent sont souvent très malaisés à résoudre ! Voilà pourquoi les vrais théologiens sont dans une permanente et vivifiante tension pour saisir les opposés dans leurs rapports exacts.